Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/930

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

adopté les trois couleurs, annoncé la convocation d’une assemblée nationale. Les besoins du peuple ont été le premier objet des mesures qu’il a prises. Le gouvernement provisoire a garanti du travail à tous les citoyens, il a destiné aux ouvriers le million échu de la liste civile, et décrété l’établissement immédiat d’ateliers nationaux. L’armée a entendu de nobles paroles, et elle a répondu à l’appel du nouveau gouvernement : elle se réorganise ; les généraux ont mis leur épée au service de la république. La justice et l’administration ont repris leur cours. Les transactions commerciales recommencent ; les adhésions des corps constitués et des hommes politiques arrivent de toutes parts. Si la confiance semble ainsi renaître, il est juste d’attribuer en grande partie ce résultat si désirable à la belle déclaration du gouvernement provisoire pour l’abolition de la peine de mort en matière politique. « Chaque révolution opérée par le peuple français, dit-il dans son manifeste, doit au monde la consécration d’une vérité philosophique de plus. » Le gouvernement provisoire présentera l’abolition de la peine de mort en matière politique à la ratification définitive de l’assemblée nationale. Voilà une pensée vraiment grande, vraiment digne de l’humanité et de la France ; c’est un infaillible moyen de propagande.

Il nous semble que les esprits et les courages peuvent se raffermir quand on considère que, dans les quatre jours qui ont suivi le triomphe de la révolution de 1848, un gouvernement provisoire si rapidement créé a remis Paris en possession de lui-même et rétabli l’ordre ; il a ainsi donné à la nation le temps et les moyens de s’interroger et de faire connaître sa volonté.

Le gouvernement du pays par le pays, le bien-être des masses, la puissance morale de la France dans le monde, voilà, ce nous semble, les trois principaux résultats auxquels vont tendre les efforts et le patriotisme de tous. Ce n’est pas nous qui nous plaindrons si la révolution qui vient de s’accomplir réalise ses promesses.

Il faut fonder le gouvernement du pays par le pays, ou nous périssons. L’heure en est venue ; elle a sonné d’une assez retentissante façon pour être entendue partout. Cette fois, il s’agit d’organiser la représentation nationale sur des bases larges et solides qui en fassent la véritable expression de tous les intérêts et de tous les droits, de toutes les situations, de l’industrie comme de la propriété, du capital comme du travail. Pour cette œuvre nécessaire, ni les études et les tentatives de nos pères, ni la grande expérience dont nous avons le spectacle dans un autre hémisphère depuis plus d’un demi-siècle, ne sauraient être perdues. Il faut espérer que le temps n’aura pas en vain coulé. La démocratie moderne, ne l’oublions pas, ne saurait se constituer d’une manière durable qu’en établissant l’harmonie entre tous les élémens de la société. C’est ainsi seulement que pourra se vérifier cette parole de Sieyes que « le territoire le plus vaste, la plus nombreuse population se prête à la liberté. »

Depuis que la pensée française a commencé, dans le dernier siècle, l’émancipation politique du monde, personne n’a plus nié en principe le droit des individus et des masses au bien-être comme récompense de leur travail. Il y a eu même pour arriver à un résultat aussi légitime de sincères efforts honorablement tentés ; mais, il faut en convenir, aucun gouvernement jusqu’ici ne s’est mis en mesure de marcher à un pareil but avec une énergie, avec une activité