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des fils, mais à la condition expresse que les nouveaux procédés, où les ouvriers favorisés ne voyaient jusqu’ici qu’une économie de temps, serviraient aussi à l’amélioration des produits. Un contrôle permanent sera exercé à cet égard. Un comité central coordonnera à l’avenir l’action des comités locaux, dont les efforts devront tendre surtout désormais à obtenir que le négociant en fils ou en toiles fasse travailler à son compte les fileuses ou tisserands, ce qui les soustrairait au double impôt qu’ils paient à l’usure pour l’achat de la matière première et aux courtiers pour le placement des produits. Je passe d’autres mesures qui sont le corollaire de celles-ci. Fournir simultanément à l’ancienne industrie linière les moyens de fabriquer mieux, plus vite et à meilleur marché, c’est attaquer la question à ses trois faces les plus saillantes ; mais ici apparaissent d’autres difficultés. Si d’abord, avec une production individuelle plus rapide, l’ancienne industrie linière occupait le même nombre d’ouvriers, l’encombrement des produits substituerait au mal aujourd’hui existant un mal plus grave encore, car celui-ci serait incurable : il faut donc la débarrasser de son excédant graduel de bras. D’un autre côté, pour que l’association du commerce et du travail à la main, base essentielle de la réforme, soit possible, des facilités nouvelles d’écoulement devront se combiner avec les facilités nouvelles de la fabrication. Les placemens, dans l’état actuel des débouchés, sont devenus en effet si irréguliers, que la plupart des négocians n’osent plus acheter les produits de l’ancienne industrie linière à l’avance, mais seulement au fur et à mesure des commandes : ces négocians, à plus forte raison, n’engageraient pas leurs capitaux dans les éventualités de la fabrication. Il faut donc, en second lieu, agrandir le marché extérieur. Le gouvernement et les chambres belges n’ont pas méconnu cette double difficulté ; malheureusement ils essaient d’en sortir par une impasse.

Deux moyens sont mis en œuvre pour alléger l’ancienne industrie linière de son excédant de bras. On cherche, d’une part, à la fondre avec la nouvelle industrie en faisant adopter par le tissage à la main le fil mécanique, et vice versa ; mais, quelques illusions qu’aient fait naître à cet égard des expériences isolées, la spéculation n’adoptera jamais sérieusement un type bâtard qui ne saurait avoir pour lui ni le bon marché et la régularité des toiles à la mécanique, ni la solidité des toiles à la main. D’autre part, on a introduit parmi les ouvriers à la main des industries nouvelles ; mais ce n’était là qu’ajourner et déplacer la question. Parmi les fabrications ainsi naturalisées dans les districts liniers, la plupart ont encore à se créer un débouché, et ne l’auront pas sitôt trouvé, que la concurrence mécanique les supplantera : le travail à la main ne peut, en effet, conserver un reste de spécialité que dans le tissage des toiles, seul produit où la condition de solidité soit encore essentielle