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il ne les leur donna qu’à titre de fiefs et pour le bien de ses états ; par cette donation, Rome ne cessa pas de faire partie de son empire. Depuis, ce mélange d’un pouvoir spirituel avec une autorité temporelle a été, comme il l’est encore, une source de discussions, et a porté trop souvent les pontifes à employer l’influence de l’un pour soutenir les prétentions de l’autre ; ainsi les intérêts spirituels et les affaires du ciel, qui sont immuables, se sont trouvés mêlés aux affaires terrestres qui, par leur nature, changent selon les circonstances et la politique du temps[1]. » Telles étaient les prémisses qui avaient pour conséquence la réunion des états du pape à l’empire français. L’inconstant et redoutable successeur de Charlemagne poussait le commentaire des actes du donateur jusqu’à la spoliation, et il s’emportait à cet excès de détrôner le pontife qui l’avait couronné.

Un publiciste, peut-être trop oublié aujourd’hui[2], a remarqué avec beaucoup de justesse que, par l’ambition de Napoléon, l’Italie a perdu la plus belle occasion qu’elle ait eue depuis les Romains, de recouvrer son indépendance. En effet, il était facile à la puissance de Napoléon d’établir d’une manière durable un système fort simple, une confédération de trois états, l’Italie supérieure, le pape et Naples. Aucun de ces états n’avait intérêt à empiéter sur l’autre, et l’ensemble de l’Italie était affranchi de la domination de l’étranger. Il paraît que rien n’est plus difficile en politique que le triomphe des combinaisons sages et naturelles. Au moment où les Français étaient contraints d’abandonner l’Italie, les Autrichiens s’y établissaient, et si le congrès de Vienne avait l’équité de restituer au pape, avec sa souveraineté temporelle, le territoire des États Romains, il lui donnait, ainsi qu’à Turin et à Naples, le formidable voisinage d’une puissance allemande. C’était trop refaire le passé et trop embrouiller l’avenir.

Quoi qu’il en soit, rendons-nous compte de la situation de la papauté dans le temps où nous sommes. La papauté qui, au XIIIe siècle, disposait des couronnes, et qui au XVIe soutenait des luttes ou entretenait des alliances avec les principaux rois de l’Europe sur un pied complet d’égalité, vit aujourd’hui sous la protection des grandes puissances. L’inviolabilité de son territoire est considérée comme une des conditions de la paix européenne et de l’indépendance de l’Italie. La papauté n’a plus ni conquêtes à faire, ni revers à essuyer comme au temps de Jules II : les puissances signataires des traités de Vienne, en garantissant son existence, lui ont interdit tout mouvement, toute entreprise au dehors. Sous ce rapport, on peut dire que le chef de la religion catholique

  1. Histoire abrégée des Traités de Paix, par F. Schoell, t. IX, p. 300.
  2. L’abbé de Pradt. — Du Congrès de Vienne.