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a plutôt en Italie un grand état de maison qu’il n’est un véritable souverain, ayant droit de paix et de guerre.

Chez elle, où en est la papauté ? Pour gouverner, pour accomplir les réformes qu’ils jugeaient nécessaires, les papes ont toujours été moins libres que les rois. Représentant une aristocratie, une oligarchie sacerdotale, ils ont toujours eu auprès d’eux des surveillans incommodes de l’usage qu’ils entendaient faire de leur autorité. Il a donc fallu l’évidence de la plus irrésistible nécessité pour qu’il ait été permis à un pape de se montrer réformateur actif et résolu. Maintenant voici les conséquences. Les réformes administratives n’ont pas pu servir de rempart à la papauté contre les idées et les exigences politiques qui ont voulu à leur tour être satisfaites. Le branle était donné ; s’arrêter n’était plus possible, et des concessions nouvelles ont élargi la brèche. Il y a aujourd’hui à Rome, en face du pape et du sacré collége, un conseil municipal de cent membres, un pouvoir administratif composé d’un sénateur qui en est le chef, et de huit magistrats, une consulte d’état, une garde nationale et la liberté de la presse. Sera-ce tout ? La consulte d’état, qui date à peine de quelques mois, ne s’élèvera-t-elle pas à l’autorité d’un corps délibérant ? Enfin la papauté ne verra-t-elle pas s’ouvrir pour elle l’ère des constitutions ? Jamais le génie du passé et l’esprit nouveau ne se seront trouvés si vivement en présence.

Mais n’y a-t-il pas en Italie un attachement réel pour la papauté ? N’y a-t-il pas, de l’autre côté des monts, des hommes d’un esprit élevé qui tiennent pour maxime que le catholicisme et la nationalité italienne sont inséparables ? Sans doute. A leurs yeux, le catholicisme est non-seulement la vérité enseignée à tous les peuples, mais il est de plus pour l’Italie comme l’incarnation de la patrie et de l’indépendance. Aussi demandent-ils pour le pape la présidence de la confédération des états italiens et l’exercice d’une suprématie morale sur toute la péninsule. Seulement les hommes distingués qui se complaisent dans cette théorie ont plus de renommée littéraire que d’ascendant politique. En dépit de ces nouveaux guelfes, en dépit même de la juste popularité de Pie IX, il y a dans la majorité des Italiens, à l’égard de la papauté, une défiance qui date de loin, car c’est Machiavel qui l’a mise dans l’esprit de ses compatriotes. Ce grand politique, on ne l’ignore pas, a formellement accusé l’église d’avoir été le plus grand obstacle à l’unité, à l’indépendance de l’Italie par son ambition d’y dominer, par les divisions qu’elle y avait sans cesse entretenues. Avant l’avènement de Pie IX, les hommes les plus modérés de la péninsule signalaient le gouvernement papal comme le pire de tous. Encore aujourd’hui comme au moyen-âge, c’est en Italie que la papauté soulève le plus d’objections et de résistances. L’enthousiasme même avec lequel les Italiens ont accueilli