Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/995

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses élèves se renouvelaient de sept ans en sept ans. Quelques médecins, parmi lesquels il faut nommer Stahl et Bichat, avaient déjà entrevu cette évolution septennaire, mais ils avaient limité les suites de ce phénomène à un simple changement de molécules. M. Frère ne s’en tint pas là ; à ces mouvemens réglés qui se passent, tous les sept ans, dans l’organisation humaine, il rattacha des vicissitudes analogues dans les facultés intellectuelles et morales. Ce n’était encore qu’un germe, mais il féconda ce germe par des recherches assidues. Ayant le pressentiment d’une loi qui régit de période en période toutes les manifestations de notre nature, il fit l’expérience de cette loi sur des personnes de tous les âges. Il les interrogea, les suivit dans leur manière de vivre. Ces observations isolées étant faites, il les rapprocha ; puis, avec le secours d’un esprit vif et pénétrant, il crut pouvoir déterminer les aptitudes propres à chaque période humaine. Partant ensuite de ce principe, que les nations sont des êtres collectifs, M. Frère se dit qu’on retrouverait sans doute dans l’existence des peuples ces changemens précis qu’il venait d’observer dans la vie des hommes. Il se mit dès-lors à répéter sur les sociétés anciennes et modernes le travail qu’il avait fait sur les personnes. L’histoire interrogée lui donna les mêmes réponses que la nature. La première difficulté était de bien fixer le nombre d’années de la période sociale. La réflexion et l’étude amenèrent M. l’abbé Frère à le déterminer, — un peu arbitrairement selon nous, — de sept générations viriles, c’est-à-dire de deux cent trente-trois ans. Plusieurs historiens avaient déjà remarqué dans la croissance des peuples deux ou trois temps qui correspondent aux premiers âges de la vie humaine ; mais de tels rapports avaient été indiqués jusqu’ici d’une façon vague, spéculative, et par manière de figures. L’auteur des Principes de la philosophie de l’histoire affirme, au contraire, ces analogies, et vient les soumettre à une loi mathématique. Le développement se fait, selon lui, dans les sociétés comme dans les individus, en vertu des mêmes énergies et par intervalles de temps mesurés. L’auteur admet huit périodes d’une égale durée (deux cent trente-trois ans), durant lesquelles les peuples vont toujours se renouvelant au physique et au moral. A chacun de ces âges sociaux correspond un état particulier des facultés et des organes. La forme des croyances religieuses, les événemens historiques, les maladies, les mœurs, sont déterminés par ce que M. Frère appelle l’aptitude dominante de la période. L’homme, suivant ce système, n’est pas absolument maître de la direction de son esprit ; il vit sous la dépendance des organes, des dispositions morales, des capacités propres à son âge viril et à son âge social. Dieu lui-même enferme son intervention dans ces lois du progrès qui régissent la nature humaine. Là est la cause de ce je ne sais quoi, comme on disait dans le dernier siècle, qui donne d’époque en époque un tour particulier