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pour les membres de ces familles une note d’infamie, les isolait encore de la population indigène et les désignait à l’attention du voyageur. Un préjugé très affaibli, mais qui avait long-temps pesé sur ces malheureux, le confirma dans cette opinion, qu’il avait sous les yeux les restes d’un peuple détruit. En y regardant de plus près et en continuant ses courses du côté des Pyrénées, il vit se former sous ses yeux dans la population cagote, non plus un type, mais deux types distincts. Il essaya de les caractériser. L’une des deux variétés cagotes présentait une peau très blanche, des cheveux blonds, des yeux d’une couleur claire ; l’autre avait un teint basané, des cheveux touffus, noirs, raides, des yeux gris, des pommettes saillantes. Il en résulta pour lui la conviction que les malheureux confondus au moyen-âge sous le nom de cagots tiraient leur origine de deux races distinctes. Il crut reconnaître dans l’une les débris d’un peuple venu du Nord, et dans l’autre les caractères appauvris d’une nation très méridionale, blanchie par un long séjour dans une contrée plus froide, dégradée par une longue misère et par les mauvais traitemens. Cette altération du type primitif est commune à toutes les races transplantées, qui ne trouvent point autour d’elles des conditions favorables de croisement. L’action de circonstances extérieures, telles que la persécution, le dénûment, la défense de s’allier aux autres habitans, développe chez ces familles isolées les caractères lymphatiques. Une telle décadence n’efface pas tout-à-fait le type originel, mais elle le voile. De là vient la difficulté de reconnaître la souche des différentes familles qui entrent dans la composition d’un peuple.

Au moment où le physiologiste allemand consignait ces observations dans ses notes de voyages, un écrivain français s’occupait de recherches historiques sur la même population. Il est à regretter que M. Francisque Michel n’ait pas connu les travaux de M. Kant : c’est à la physiologie de tracer la voie, quand il s’agit de déterminer la filiation d’une race. Si les monumens historiques s’accordent ensuite avec les monumens de la nature, alors, mais alors seulement, la certitude devient complète. L’auteur de l’Histoire des races maudites, M. Francisque Michel, a complètement négligé ce point de départ. On ne peut suppléer à son silence qu’en cherchant l’origine des cagots dans les lois générales qui président à la genèse des peuples.

L’histoire physiologique de toutes les nations de la terre nous présente un état originel de fractionnement. Au début, les différentes parties d’une même société sont mal liées entre elles ; il existe dans la population des groupes disséminés, des élémens hétérogènes que le travail de la civilisation doit amalgamer. La terre exerce avec le temps une puissance assimilatrice sur les caractères étrangers des races. Les différentes familles qui couvrent la même étendue de pays, quoique