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connu, au moyen duquel on décompose les sels calcaires et l’on isole la matière organique. Ce genre d’exploitation a reçu un si grand développement, que des manufactures se sont établies en Angleterre pour la fabrication des engrais au moyen de matières minérales. Non-seulement la charpente osseuse des animaux morts, mais encore toute leur dépouille putrescible, est jetée dans de grandes cuves, que l’on remplit ensuite d’eau aiguisée d’acide sulfurique. Cet agent a la propriété d’empêcher la décomposition des substances organiques et de dissoudre les carbonates et les phosphates terreux : il atteint donc le but indiqué. La consommation d’acide sulfurique est si grande en raison de l’exploitation considérable des engrais azotés en Angleterre, qu’il existe des fabriques spéciales pour préparer ce réactif. Quoiqu’il ait la même composition chimique que celui du commerce, on a cru devoir lui donner un nom spécial, celui d’acide sulfurique agricole. Ainsi, la chimie a non-seulement tracé les règles d’une agriculture rationnelle, corrigé les erreurs et prévenu les pertes auxquelles conduisent les épreuves de l’empirisme, mais elle a encore donné les moyens faciles de conserver les substances qui modifient si puissamment le sol, en même temps qu’elle a doté l’hygiène des conditions les plus favorables à la salubrité publique. Combien de corps l’agronome ne pourrait-il pas utiliser, qui sont journellement perdus au détriment du sol qui s’épuise et des hommes qui en aspirent les émanations funestes ! Si l’on ne restitue abondamment à la terre les matériaux au moyen desquels les végétaux fleurissent et fructifient, les récoltes resteront stationnaires ; elles pourront même devenir insuffisantes, à une époque où, dans presque toutes les contrées de l’Europe, l’accroissement de la population est si rapide. En vain tourmenterait-on la terre avec la charrue ou la herse, si cette mère commune ne renferme les sels et les substances azotées que la végétation verse avec la sève dans tous les organes des plantes : l’homme, trop exigeant, ne ferait que tarir la source de ses bienfaits. Le maintien d’un équilibre constant entre les produits et les pertes que fait le sol est donc le secret de l’agriculture, comme l’équilibre entre les denrées et le chiffre des populations est celui du bien-être des masses. La perte de cet équilibre dans l’un ou l’autre cas doit nécessairement conduire à la pauvreté et à la misère. Aussi est-il permis de s’étonner que les ressources de la chimie ne soient pas appliquées dans toute la France, comme elles le sont dans les Flandres et dans la Grande-Bretagne.

Ce sont les matières ammoniacales qui enrichissent le sol ; la plante peut alors y puiser l’azote comme dans l’atmosphère : pourquoi donc ne pas fixer l’ammoniaque qui se répand dans les airs de mille points de la surface de la terre, soit des liquides sécrétés par les animaux, soit des matières animales en putréfaction ? Un peu d’acide sulfurique, jeté sur ces matières, s’emparerait de cet alcali volatil, et en se combinant avec lui donnerait naissance à un produit solide dont l’art agricole pourrait tirer profit. La poudre de couperose verte (sulfate de fer) pourrait servir au même emploi ; elle a d’ailleurs l’avantage d’être plus facile à manier, puisqu’elle est un corps neutre par sa nature. Ajoutez à cette poudre un peu de charbon animal, et tous les gaz méphitiques seront maintenus et neutralisés. Ainsi un mélange de couperose et de charbon animal fait par parties égales a le double avantage de désinfecter les matières qui exhalent