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de l’Académie empêche que les affections intéressées, les petites haines de localité, n’entrent pour une trop forte part dans cette détermination. Tout homme ayant bien mérité de la science peut accepter sans crainte l’intervention de ce double jury. Pour passer d’une faculté de seconde classe à une faculté de première classe, ou de celle-ci à la faculté de Paris, on procédera de la même manière, car l’avancement de grade constitue une véritable nomination. Ainsi tout professeur saura bien que pour s’élever dans sa carrière il doit ne pas rester oisif. Ainsi on arrivera aux chaires les plus élevées de l’enseignement, non point par un concours de quelques jours, de quelques mois, mais par un concours de toute la vie. Celui-là seul sera jugé digne d’enseigner qui aura rendu à la science les plus signalés services. Ne craignez pas qu’il manque à sa mission, celui qui aura passé de longues années au milieu des matériaux, des instrumens de la science. Pour être un peu moins disert, son enseignement n’en sera peut-être que plus substantiel et plus instructif.

La nomination des agrégés doit-elle être soumise aux mêmes conditions que celle des professeurs ? La réponse à cette question dépend du rôle qu’on leur attribue. Si les agrégés ne doivent être que de simples chefs de laboratoire, on peut sans inconvénient les nommer au concours ; mais, si on leur réserve le droit de suppléance, si on les élève au rang de professeurs adjoints, il faut qu’ils présentent les mêmes garanties que les professeurs titulaires ; il faut qu’ils aient fait leurs preuves, et que ces preuves aient été appréciées par la Faculté et par l’Académie.

Pour compléter l’ensemble des mesures que nous croyons propres à relever et à répandre en France l’enseignement scientifique supérieur, nous demanderions la création d’un corps spécial d’inspecteurs. La science et l’administration sont deux choses distinctes. Jusqu’à ce jour, les mêmes fonctionnaires ont été chargés de surveiller l’une et l’autre. Certes, la chose est possible, tant qu’il s’agit des lycées ; mais, à mesure que la science s’élève, il faut une véritable spécialité pour juger sainement des hommes et des choses. Les professeurs de faculté, arrivés dans leurs chaires par le suffrage des chefs de la science, ne sauraient être inspectés que par leurs pairs. Ces inspecteurs doivent être eux-mêmes des savans, et nommés sur une liste de deux ou trois candidats au plus, dressée par l’Académie des Sciences.

On voit que nous voudrions ménager à cette dernière une intervention active qu’elle n’a jamais eue. Ce serait là, ce nous semble, une innovation des plus utiles. Nous regrettons de voir que l’Académie, à chaque instant consultée par les ministères de la guerre, de la marine ou du commerce, ne le soit jamais par l’Université. De tout temps, elle aurait pu rendre d’immenses services ; aujourd’hui que la dernière