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elle-même hésite, et à des secousses profondes on voit succéder subitement une sorte de tranquillité. C’est qu’il est impossible de rien précipiter en face des questions sans nombre qui se dressent tout à coup à chaque victoire nouvelle. Que peut devenir l’Allemagne ? Elle poursuit deux grandes choses, la liberté et l’unité ; mais c’est l’unité qui semble la préoccuper avant tout. Elle sait bien que l’unité est la condition de la liberté véritable, ex unitate libertas, et que la fondation de la patrie commune est la première, la plus urgente conquête dont elle ait besoin. Or, quelle que soit la forme possible de cette unité tant désirée, de quelque manière qu’elle se constitue, que ce soit par des luttes intérieures, ou à la suite d’une guerre européenne, ou par la conciliation si difficile des intérêts contraires, il y aura toujours un immense avantage pour chaque royaume à ne pas demeurer en arrière dans les voies de la liberté et de la justice. Si ce n’est pas l’empire, en ce moment du moins, qui est mis au concours, c’est bien certainement le salut de chaque état et son degré d’influence dans la constitution de l’avenir. Il y a quinze ans, un ingénieux publiciste, M. Saint-Marc Girardin, s’exprimait ainsi à propos de la Bavière : « Condamnée à l’inaction et à l’impuissance par le voisinage de l’Autriche, la Bavière s’adonne aux beaux-arts, qui consolent et qui embellissent la vie, qui ne donnent pas la puissance, mais qui donnent la gloire, et qui, de cette manière, commandent le respect. Munich devient une nouvelle Athènes, et, quelle que soit la chance des destinées politiques, Munich ne peut être rayé de la carte des états indépendans, sans que, grâce à sa nouvelle splendeur, l’attentat ne paraisse plus injuste. Le roi de Bavière a mis son royaume sous la protection des arts ; cette protection vaut celle de la force. Grâce aux beaux-arts, Munich ne peut plus devenir une ville de province ; elle a les proportions et l’éclat d’une capitale. » Cette conclusion serait très légitime, si le jugement qui la prépare n’exagérait avec une excessive indulgence la valeur donnée à Munich par le roi Louis. Le spirituel voyageur avait vu Munich en 1833, au moment où de brillans édifices s’élevaient de tous côtés, où les basiliques et les musées sortaient du sol par enchantement, où les ateliers des peintres et des sculpteurs étaient remplis par une jeunesse enthousiaste, et cette ferveur universelle l’avait ravi ; mieux informés aujourd’hui, nous savons tout ce qui manque à Munich pour être protégé par les œuvres de l’esprit contre les périls de l’avenir.

La meilleure protection de Munich, ce sont les travaux de sa chambre des députés. Si défectueuse que fût l’organisation constitutionnelle dans les états méridionaux, l’Allemagne n’oubliera pas que l’opposition y a souvent lutté avec bonheur contre mille obstacles, et qu’elle a maintenu, comme un exemple fécond, le droit de la parole libre. Les chambres