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qui en marque l’extrémité. Les sables de la Somme, portés au nord par les marées, ont dès long-temps fait obstacle aux courans qui tendaient à longer le plateau et causé des calmes et des remous qui ont troublé la marche des galets : ceux-ci ont chaussé le pied de la falaise sur le premier point où le flot a manqué de la force nécessaire pour les pousser, et le banc qu’ils formaient a fini par s’enraciner auprès d’Ault : le calme qui se produisait en arrière favorisait les attérissemens, et l’épi de galets continuait à s’avancer vers le nord. Sa longueur, calculée d’après la carte de 1640 sur des points de repère qui n’ont point varié, devait être à cette époque de 10,000 mètres ; sur la carte beaucoup plus soignée de 1736, elle est de 15,820, et sur celle de 1835 de 16,050. A mesure que la pointe du Hourdel, par laquelle ce banc se termine, a gagné du terrain, celle de Saint-Quentin, qui lui fait face, de l’autre côté de la Somme, en a perdu, et dans ce mouvement vers le nord, qui depuis deux siècles a complètement déplacé l’embouchure, celle-ci a toujours conservé une largeur d’environ 5 kilomètres, nécessaire, à ce qu’il paraît, pour le passage de la masse d’eau qu’y jette chaque marée. Depuis que la pointe de Saint-Quentin s’est arrondie et résiste mieux à la mer, le flot et, le jusant réagissent sur celle du Hourdel, qui, au lieu de continuer à s’avancer vers le nord-nord-est, se recourbe en crochet vers l’est, comme pour gagner le pied de la falaise de Saint-Valery. Vers l’extrémité du banc, on remarque, sous la forme d’ondulations parallèles entre elles, les dépôts successifs de galets qui, refoulés par les courans et s’appuyant les uns sur les autres, le fortifient au lieu de l’allonger comme autrefois. Son épaisseur, sauf vers l’ancien Hable d’Ault, est aujourd’hui de 4 à 600 mètres, et il s’élève d’environ 5 mètres au-dessus des hautes mers. Tel est le bourrelet gigantesque de galets, de marne et de sable agglutinés qui fixe aujourd’hui l’entrée de la Somme. A la lenteur avec laquelle il marche vers le nord depuis un siècle, il semble qu’il ait à peu près atteint de ce côté sa limite, et que les dépôts de galets, modifiant à leur tour les courans qui les ont apportés, prennent des allures tout-à-fait différentes de celles qu’ils affectaient par le passé.

Pénétrons maintenant dans l’embouchure même de la Somme. Si nous sommes embarqués sur un bâtiment de plus d’un mètre de tirant d’eau, nous n’y parviendrons qu’en longeant la côte de Cayeux, en doublant la pointe du Hourdel, puis en suivant un chenal sinueux qui se rapproche de la rive droite jusqu’auprès du Crotoy, et revient à la rive gauche sous les murs de Saint-Valery ; ce chenal est entretenu par les eaux de la rivière qui décrivent à mer basse ce long circuit au travers des sables. En dehors de la baie, la mer se retire, dans les marées de vive eau, à 7,500 mètres au large, en sorte qu’alors elle abandonne et couvre alternativement une plage de plus de quatre lieues. Dans l’intérieur