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nouvelles : il en est autrement du plateau. Il est presque partout recouvert d’une couche d’excellente terre arable : il manque malheureusement d’eau ; mais les vapeurs de l’Océan, incessamment rabattues sur la terre par les vents du large, y entretiennent assez d’humidité pour le développement et même pour le luxe de la végétation. La nécessité de protéger les habitations et les vergers contre la violence de ces vents semble avoir appris aux cultivateurs l’art de suppléer à la rareté des sources et à l’éloignement des cours d’eau. Les fermes sont groupées dans des enceintes rectangulaires formées avec des levées en terre végétale sur lesquelles sont plantés en rangs serrés des arbres forestiers. Leurs feuilles agissent sur les vapeurs dont se charge l’atmosphère comme autant de suçoirs : l’extrême humidité qui règne à l’abri de ces remparts de verdure alimente des herbages touffus et des mares d’eau croupissante où l’on puise pour les besoins des ménages et des étables. La campagne est parsemée de ces forteresses agrestes dont chacune cache un hameau. Plus laborieuse qu’intelligente, l’agriculture du pays attend, pour prendre l’essor, que l’esprit d’association vienne animer d’une vie nouvelle ces groupes si bien formés pour prospérer sous son influence. A peine commence-t-il à s’y faire jour par l’établissement de quelques citernes communes ; à peine comprend-on combien une coordination intelligente des constructions apporterait de salubrité aux habitations des hommes, d’économie à l’exploitation agricole. Un jour viendra où quelques-uns de ces groupes organiseront des fruitières semblables à celles qui font, depuis des siècles, la fortune des campagnes de la Hollande, de la Lombardie, de la Suisse et, depuis quelques années, celle d’une partie de la Franche-Comté : de ce jour datera pour le pays une ère nouvelle ; la culture alterne se substituera sans effort à l’assolement triennal ; la masse des engrais sera triplée, et celle des denrées produites suivra.

L’esprit d’association trouve à s’exercer sur une échelle non moins vaste dans les terrains submersibles de l’embouchure de la Somme. Il lui reste des polders à conquérir sur la mer, des marais à dessécher : il a beaucoup fait, il peut faire davantage encore, et, par un heureux concours de circonstances, les travaux les plus profitables à l’agriculture sont, dans cette région, ceux dont l’exécution importe le plus à la navigation. Les terres ainsi soustraites à l’action des eaux sont de la plus haute fertilité ; toutes les cultures de la Flandre y sont praticables, et c’est à elles qu’il faut demander les chanvres dont nous avons constaté le besoin.

Dans l’état actuel de notre pays, il faut peu compter sur la propriété privée pour fournir à la marine des bois de construction, et les forêts domaniales de la Seine-Inférieure et de la Somme ne sont malheureusement pas aménagées en vue de cette destination : leur étendue totale