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lever, se lever de toute sa hauteur et non pas à moitié, pour déclarer de son air le plus content qu’on voulait l’engager, mais qu’on ne l’engagera pas, qu’il est ministre, mais qu’il n’en est pas moins homme, et qu’il pense toujours en sa qualité de Flocon, s’il agit quelquefois autrement en sa qualité de ministre. Nous ne regardons jamais ce glorieux personnage accoté nonchalamment au marbre de la tribune comme à la bande d’un billard, sans nous demander ce que les amis de M. Flocon auraient dit de lui, si quelque mauvais astre avait fait de M. Flocon un ministre de la monarchie. Nous ne voulons pas insister davantage. Il nous paraît que le gouvernement n’est point le plus uni du monde, quand il hésite et recule comme dans la proposition des décrets sur les attroupemens et sur l’affichage ; quand il laisse, comme il l’a fait à propos du premier, un seul de ses membres subir l’impopularité attachée par le temps qui court à toute loi d’ordre public ; quand il envoie d’heure en heure des ordres contradictoires sur une ligne télégraphique, comme dans l’histoire mystérieuse de M. Émile Thomas, lequel, par parenthèse, est accusé de dilapidation en bel et bon style du Moniteur, sans pouvoir venir à bout d’être jugé. Tout cela, nous assure M. de Lamartine, c’est de la paix et de l’union ; soit, nous l’en croyons sur parole juste autant que l’assemblée l’en a cru. L’assemblée nationale a maintenant en vue de plus pressans objets : la question des finances va s’ouvrir la semaine prochaine, et c’est une question sur laquelle l’assemblée a décidément main-mise par l’intermédiaire de ses comités.

M. Duclerc doit penser que les comités ont été inventés pour son supplice par la commission de règlement. Il est du reste évident en principe que le pouvoir exécutif résiderait de fait dans l’assemblée délibérante, si le système des comités était consacré par la future constitution. En lutte avec un pouvoir intelligent et capable, les comités ne seraient que l’anarchie organisée : vis-à-vis de la jeune expérience de M. Duclerc, le comité des finances en particulier peut être à bon droit regardé comme un instrument de salut public. Tous les membres de l’assemblée qui ont ou qui veulent avoir sur la matière une aptitude spéciale se serrant là l’un contre l’autre, les témérités ministérielles ont une peine effroyable à rompre le réseau qu’on leur oppose. Le ministère essaie bien d’armer au besoin comités contre comités : c’est ce qu’on a vu dernièrement lorsqu’à propos des chemins de fer, le comité des travaux publics s’est petit à petit insurgé contre le comité des finances ; mais celui-ci tient bon, et les déboires de M. Duclerc à la tribune publique ne sont rien, dit-on, en comparaison des malheurs qu’il essuie à huis-clos devant le tapis vert du comité. C’est ce redoutable comité qui l’a si rudement poursuivi en le sommant de lui confier le secret magique avec lequel il allait vivifier le trésor, pourvu qu’on commençât par l’obérer un peu plus en votant à discrétion le rachat des chemins de fer. C’est ce comité qui voulait liquider les créances immédiatement exigibles des porteurs de bons du trésor et des dépositaires des caisses d’épargne avant de contracter une nouvelle dette vis-à-vis des actionnaires de chemins. On sait comment le comité a été battu sur la question de priorité quand le ministre a fait d’une affaire de finances une affaire de parti. Nous attendrons, pour entrer dans l’examen de tout ce côté de la situation, le très prochain débat qui doit y jeter beaucoup de lumière et commencer les travaux vraiment sérieux de l’assemblée. On verra là ce que vaut le grand secret dévoilé par M. Duclerc dans l’orageuse séance d’avant-hier. Ce qu’on en peut penser au premier aperçu, c’est qu’il fait argent de tout ; mais, selon la commune destinée de ces sortes d’opérations, il faudra seulement que