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Avec le travail en commun, les recoltes annuelles ne donneraient pas la moitié des produits qu’exige la subsistance de la France. Qui saura ; mettre à profit, pour les petits soins de détail, les variations du temps, si fréquentes parfois dans un seul jour, quand il faudra attendre un ordre et la réunion de tous les ouvriers communistes de la circonscription, l’un ne voulant pas travailler sans l’autre ? Ce sont cependant ces petits soins donnés chaque jour, en raison des variations de l’atmosphère qui font le résultat au bout de l’année. Que de temps perdu avec le travail disciplinaire, que, sous le régime du communisme, il faudrait nécessairement établir ! Souvent, par les temps pluvieux, il fait deux heures de soleil, pendant lesquelles on peut soustraire une partie de récolte à l’intempérie ; la famille qui travaille librement et pour elle ne laisse pas échapper ces bonnes fortunes. Dans le travail en commun, elle attendra des ordres, des dispositions générales, qui viendront trop tard, et les biens de la terre seront emportés ou avariés par l’orage. Les dimanches, les jours de fête, la famille libre, propriétaire, fermière ou métayère, se livre à divers petits soins avant et après la messe : elle enlève même du foin ou des gerbes : si le temps est menaçant, le curé le permet ; sous le régime en commun, on entendra avec indifférenceet apathie la nue gronder en approchant.

Mais ce qu’il faudrait plaindre presque autant que les hommes, ce sont les animaux. Comme ils seraient soignés, appartenant à tous et à personne ! Ils boiraient quand ils auraient faim, et mangeraient quand ils auraient soif ; souvent ils iraient au travail sans avoir ni bu ni mangé, ce qui n’empêcherait pas de les mener très durement. Beaucoup mourraient, tous seraient étiques, et le peuple, qui mange déjà trop peu de viande, n’en mangerait plus du tout. Les charrettes, les outils aratoires, les harnais, seraient encore moins soignés que les animaux, et ce serait là une grande cause de ruine pour la communauté ; On ne soigné bien toutes ces choses que quand on en est propriétaire. Les fermiers, les grands propriétaires qui font exploiter à leur compte, pourraient en apprendre long sur ces points à messieurs les professeurs du communisme. Si ces agronomes n’exercent pas une surveillance très active, ils sont ruinés par la négligence des valets et des journaliers.

L’agriculture nationale et paternelle ne consiste pas seulement dans ; les travaux nécessités par les récoltes annuelles. Ce n’est pas pour rien que, dans les contrats de ferme, après avoir imposé au preneur la plantation de tant de pieds d’arbres, de tant d’arpens de vignes, de tant d’arpens à marner chaque année, on ajoute : « enfin, il cultivera de tout point en bon père de famille. » C’est que les travaux de l’avenir jouent, dans l’agriculture, un très grand rôle, que dis-je ? un rôle capital ; sans ces travaux, le sol, dénudé bientôt, perdrait presque toute