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sûr, le danger qui la menace aujourd’hui. Chacun sait que du haut de leur toute-puissance les légations de France, dans ces deux capitales, sont tombées à un état de nullité presque complète, et la raison en est bien simple. Par une singularité que je laisse à apprécier aux défenseurs des idées radicales, l’Angleterre, qui les goûte très peu pour elle-même, s’en est faite depuis long-temps la patronne dans tous les pays dont la situation maritime l’inquiète et dont l’avenir lui inspire un médiocre intérêt. On dirait qu’elle croit trouver dans la force dissolvante de ces principes un remède contre un développement de puissance qui lui déplairait. La place d’agent révolutionnaire était donc prise, à Athènes comme à Madrid, par l’envoyé de l’Angleterre ; il n’en restait plus pour l’envoyé de la république française. Je sais bien que, par une théorie nouvelle, on dit maintenant que la meilleure des situations, pour un agent français, dans les états secondaires, est de n’avoir de crédit sur personne, pour être délivré des embarras de la puissance et du poids de la responsabilité, sorte d’opération parfaitement analogue à celle qu’a faite à l’intérieur le gouvernement nouveau, en nous délivrant les uns et les autres des soucis de la richesse. Les discours de l’ancienne opposition, ceux qu’adressait autrefois à M. Guizot M. de Lamartine lui-même, pendant le triomphe momentané de l’influence anglaise à Madrid, serviraient amplement de réponse à cet argument, qui rappelle un peu trop celui du renard de la fable.

En attendant, les faits mêmes y répondent. Le jeune royaume de Grèce, création et espoir de la politique française, pour qui s’enthousiasmait, il y a vingt ans, toute notre jeunesse libérale, pour qui nos chambres ont plusieurs fois, par des acclamations unanimes, prodigué les millions, tandis que nos écoles s’ouvraient pour ses enfans, cet héritier de tant de noms héroïques, cette pépinière de si hardis matelots, a failli périr dans une insurrection où les agens de l’Angleterre n’étaient, dit-on, pas étrangers. Ce n’est pas la France qui l’a défendu ; c’est l’envoyé russe qui l’a pris sous sa protection, et qui a étendu sur lui, pour le couvrir, un des pans du manteau impérial de son maître. Une querelle violente a éclaté entre le cabinet de Madrid et le ministre qu’anima long-temps (c’étaient les journaux de l’opposition qui le disaient) une inimitié systématique contre la France. À la suite de cette querelle, savons-nous ce qui peut arriver ? Peut-être dès représailles qui mettront entre les mains de l’Angleterre la dernière colonie qui reste aux conquérans du Nouveau-Monde, l’île opulente de Cuba ; peut-être simplement un redoublement de cette contrebande effrontée qui inonde les côtes méridionales de l’Espagne, et qui n’a cessé de faire pousser à notre commerce de si vives plaintes. Je