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demi de large et par des escaliers tournans et obscurs, sans jour et sans air. Les travaux de l’édilité parisienne ne se sont point également portés sur les quartiers de l’est et sur ceux de l’ouest. Le quartier Saint-Jacques, le quartier Saint-Marceau, le quartier Popincourt, sont encore des étables d’Augias. Balayez-les. Entre les moyens matériels pour améliorer le sort des hommes de labeur, j’indiquerai la mise à bas successive et progressive de tous ces tristes quartiers, l’assainissement de toutes ces affreuses ruelles, et la construction de belles et vastes maisons pour les familles laborieuses ; l’exemple de ce que l’on a fait récemment à Glascow et de ce que déjà l’on pratique à Londres est devant vous. Élevez des édifices qui renferment toutes les espèces de logemens dont a besoin une famille de deux, de trois, de six, de dix, de quinze personnes ; que l’architecture en soit belle et noble ; que les escaliers soient vastes et les issues faciles ; placez au centre un marché destiné exclusivement aux locataires de la maison, et faites en sorte que les denrées de tout genre y arrivent en masse, ce qui donnera une réduction de prix considérable sur chaque article. Que l’homme de labeur trouve, sur son loyer payé d’avance, un bénéfice assuré de vingt-cinq pour cent, et dans l’achat des provisions un bénéfice égal ; que l’état ne se réserve pas, dans cette gestion, un seul denier de bénéfice personnel, qu’il se contente de n’y rien perdre, une fois les administrateurs, les employés et les premières avances soldés. Le revenu de l’homme de labeur sera doublé, l’ordre de sa vie morale fixé, le respect qu’il se doit assuré, sa liberté d’action complète et ennoblie ; il ne recevra point d’aumône, et, voyant son travail honoré, il n’échappera point à l’abjection par l’ingratitude, à l’abaissement par l’envie, au mépris par le massacre. Il ne quittera point le rôle d’Abel pour celui de Caïn. Il ne sera ni Caïn ni Abel, mais quelque chose de mieux, un homme religieux et libre. Il n’essaiera pas de renier une situation excellente, à moins toutefois que l’éclair du génie ne l’illumine et qu’il ne se sente emporté naturellement par une passion réelle. Aujourd’hui ce sont les vanités et les jalousies qui nous entraînent, non les penchans. J’ajouterai à ces idées fort simples, et dont la mise en œuvre a déjà produit de si bons résultats en Danemark et en Écosse, d’autres moyens subsidiaires, qui relèveront encore dans le sens moral et sous le point de vue physique la condition de l’homme de labeur ; que des bains à très bon marché soient placés dans la maison même, et que l’obligation de rentrer avant minuit et d’éviter toute espèce de scandale soit rigoureuse. Je ne voudrais pas que l’on allât plus loin, ni que l’on ouvrît pour les habitans des bibliothèques populaires des dispensaires et des hôpitaux particuliers. Il ne faut point trop protéger l’homme. C’est l’abaisser que le traiter en mineur, qu’il se sente libre et aimé, il sera énergique et bienveillant. Si vous en faites un roi manqué, il aura les vices des méchans despotes ; il sera capricieux, féroce et stupide ;