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affaires étrangères travaille, de son côté, pour le profit commun, à débrouiller la situation ; il s’est partagé les questions européennes, et, si toutes ne sont pas tombées en des mains très compétentes, le bon esprit qui règne en général dans le comité corrigera sans doute les appréciations plus ou moins exactes de tel ou tel de ses rapporteurs. Nous aurions souhaité, par exemple, que la Russie échût à un investigateur plus sérieux, et nous ne sommes pas très édifiés sur la spécialité du jeune savant qui s’est adjugé l’Allemagne. Sauf ces réserves de détail, sauf quelque épisode surabondant, comme serait, si l’on veut, l’amplification compendieuse de cet orateur trop tendre à ses œuvres qui s’imaginait presque avoir découvert la géographie du Liban, sauf tous les accidens de personnes, nous attendons beaucoup des discussions de ce comité. Les grandes phrases, qui, en fait de politique extérieure, sont trop souvent de mise à la tribune, échouent devant un cercle plus étroit et moins impressionnable. M. de Lamartine s’en est bien aperçu ; l’exposé trop solennel de sa conduite vis-à-vis des puissances n’a point eu le succès dont il s’était flatté. Il déclarait que c’était la Providence qui depuis quatre mois avait été le ministre des affaires étrangères de la république. Le comité n’a pas du tout confessé que M. de Lamartine eût jamais parlé si directement au nom de la Providence. Le pays ne le croit pas davantage, aujourd’hui qu’il voit d’un peu plus près le véritable fond de la diplomatie humanitaire, et, tout en se fiant de bon cœur à l’intervention d’en haut, il entend bien appeler à son aide le plus qu’il pourra d’humaine sagesse. Aucune sagesse ne sera de trop dans la crise qui s’annonce. La guerre d’Italie n’est peut-être qu’un prélude ; le dernier mot de la situation européenne ne se trouvera point sur l’Adige ; il est à Constantinople, et cependant tous les regards sont plus que jamais tournés vers les champs de bataille de la Lombardie ; le vague des nouvelles incomplètes qui nous arrivent hier et aujourd’hui ajoute encore à l’anxiété avec laquelle on les reçoit. Cette brave armée piémontaise, qui tient presque seule au feu, pourra-t-elle arrêter les Autrichiens, quand ceux-ci, même après un échec éclatant, viennent maintenant de reprendre l’offensive en passant le Mincio ? Les Lombards, les Toscans, les Romains, auront-ils enfin, dans une extrémité désormais si pressante, l’énergie militaire qui leur a jusqu’ici manqué sur le terrain ? Le Piémont a levé ses derniers soldats et mobilisé toutes ses gardes nationales. Où refaire ses troupes, si ses troupes étaient détruites ? Rome elle-même ne va-t-elle pas s’annuler par de déplorables dissentiment ? La nationalité italienne, menacée dans sa résurrection, demain peut-être réduite à la défensive, impose presque forcément au souverain temporel qui règne à Rome des obligations que le père spirituel de toute la chrétienté ne sait encore comment accommoder avec son devoir religieux. Le ministère, les chambres, une partie de la population, réclament la guerre à grands cris : le parlement romain à presque vu son 15 mai. Le pape cédera-t-il, ou, pour se défendre, s’appuiera-t-il sur la sauvage affection de ses adorateurs du Transtevère ? Et s’il ne cède ni ne résiste, où s’en ira la politique du saint-siège, et avec elle ce rôle plus sublime que possible, ce rôle idéal de conciliateur universel auquel Pie IX avait été promu par le concours de tant d’illusions complaisantes ? Serait-il vrai qu’il y eût à présent un gouvernement provisoire installé dans l’état de l’église, au lieu et place de l’antique autorité du pontife ? Nous mentionnons seulement les mille murmures qui tourmentent l’opinion à l’heure où nous écrivons ces lignes. La