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américain, et aussi la plus poétique des œuvres du romancier. Si l’on voulait faire connaître chez nous ce vigoureux génie, c’est Nathan qu’il conviendrait de traduire. N’oubliez pas que ce magnifique drame est habilement placé dans le journal de George Howard et qu’il couronne la série des Scènes de la vie américaine, expressément dédiées à l’Allemagne. Le contraste des épisodes familiers qui précèdent avec la solennité de ce récit renferme une intention profonde. Insérer ces pages grandioses dans le journal d’un jeune planteur, les y jeter, pour ainsi dire, négligemment, avec des esquisses de voyages et des intérieurs domestiques, c’est montrer combien est naturelle la sublimité de Nathan, c’est révéler avec art la puissance de cette démocratie américaine, qui, au milieu de la vie commune, peut présenter souvent des spectacles comme celui-là, grands spectacles dont l’histoire ne dit rien, dévouemens glorieux et ignorés, qui ont besoin d’un poète !

M. Sealsfield vient de peindre l’idéal des squatters, qui préparent les envahissemens de la race anglo-américaine ; mais cette tâche n’appartient pas seulement à des héros comme le vieux Nathan. En face de l’austère pionnier, il faut oser placer son étrange et terrible auxiliaire, le bandit, l’homme que la société a rejeté de son sein, et qui va chercher aventure dans les expéditions lointaines. C’est ce qu’a fait l’intelligent artiste, et au portrait de Nathan Strong il a opposé hardiment la louche et sinistre figure de Bob. Nous voici arrivés au dernier ouvrage de M. Sealsfield, à celui qu’il a intitulé, je ne sais trop pourquoi, le Livre des Cajutes (das Cajutenbuch). Ce livre est un recueil de récits liés ensemble par une mise en scène assez étrange ; c’est dans une tabagie que nous conduit l’auteur, et là, au milieu des conversations bruyantes, les types des différentes contrées de l’Union sont habilement évoqués. De tous ces récits, le plus considérable à tous égards est celui dont le meurtrier Bob est le héros. Nathan nous a montré le premier Américain dans le Texas ; en lisant la vie et la mort de Bob, nous assisterons à cette guerre de 1835, qui sépara le Texas du Mexique et fit de la colonie anglo-américaine une république indépendante.

La scène se passe en 1840, et le théâtre est une tabagie de quelque ville du sud, en Louisiane sans doute, ou bien dans l’Arkansas. On boit, on fume, on discute. Le prix du coton, le prix des esclaves, la banque, la question de la présidence, toutes les nouvelles du jour, mettent les esprits en feu. Les affaires du Texas arrivent tout naturellement ; il n’y a pas de questions plus brûlantes. On discute l’annexion de la république texienne ; la majorité, on le pense bien, réclame cette brillante conquête, car nous sommes dans le sud, et c’est le nord qui repousse l’annexion, craignant l’influence toujours croissante des états à esclaves. Au milieu des propos échangés vivement, au milieu des injures et des railleries dont on accable les politiques éminens de l’Amérique du Nord, et Adam