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LA


JEUNE IRLANDE.




Un écrivain anglais disait : «Si l’on pouvait trouver quelque machine capable de désancrer l’île d’Irlande, de mettre à la voile avec elle, en emportant tout son territoire et toute sa population, et de la remettre à l’ancre à 3,000 milles de distance de l’Angleterre, on souscrirait tous les fonds possibles pour faire faire immédiatement l’opération. » Malheureusement, ce procédé est une utopie. C’est dans les flancs, c’est dans le cœur même de l’Angleterre que la nature a jeté l’ancre de l’Irlande, et elle n’en pourrait être arrachée qu’en entraînant avec elle les sources de la vie. Il n’est pas donné aux hommes de changer arbitrairement la géographie, et, comme l’Angleterre ne peut pas envoyer l’Irlande à deux cents lieues, il faut qu’elle se résigne à cette union fatale, et qu’elle emporte à travers le monde ce grand enfant terrible, suspendu, dans le délire de la faim et de la fièvre, à ses mamelles ensanglantées.

C’est une erreur de croire que la logique gouverne les affaires humaines. Voyez la France ! elle a fait, il y a quelque temps, une révolution libérale, une révolution républicaine, ayant pour objet spécial de l’émanciper du despotisme des rois ; quatre mois après, elle se précipite éperdument dans les bras de la dictature, et si par hasard quelque innocent conservateur, ayant gardé quelque tradition oblitérée de