Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nationale, une question d’honneur pour le gouvernement et pour le pays. Cependant, au lieu de demander les sommes considérables que ses prédécesseurs avaient réclamées des chambres, il se contenta de beaucoup moins. M. de Theux avait fait voter dans la session précédente deux millions pour les Flandres ; M. Rogier n’en demanda que le quart, non, disait-il, pour le consacrer à l’aumône, mais pour entreprendre des travaux, pour encourager des industries nouvelles, pour fonder des écoles professionnelles, enfin pour prêter assistance aux communes qui voudraient faire des routes. Le cabinet, libéral savait que le retour des Flandres à la prospérité ne pouvait être l’œuvre d’un jour ; mais il visait surtout à passer les années de transition. C’est une erreur de croire que le mal des Flandres soit incurable. La question soulevée par l’état de ces malheureuses provinces est une question de temps, de soins, de sollicitude. Déjà le courage moral est revenu aux habitans des Flandres : l’heureuse récolte de 1847 a déjà contribué à améliorer leur cruelle situation, et la récolte de 1848 promet d’ajouter encore à leurs élémens de bien-être. Le choix du nouveau ministre des travaux publics est encore un gage de l’intérêt que le gouvernement porte aux classes laborieuses. M. Rolin est un des hommes les plus considérables du barreau de Gand, il jouit d’une grande réputation de probité et de talent. C’est de sa part un acte de dévouement au pays que d’avoir sacrifié une lucrative position pour se consacrer à la carrière politique. Il a cédé aux instances de ses amis, et, le jour de sa nomination, la ville de Gand était dans un enthousiasme qui n’avait rien de commandé, à coup sûr. C’était un hommage public rendu à un beau et noble caractère.

Dans son ardent désir d’améliorer le sort des Flandres, le cabinet a nécessairement dû songer à l’agriculture, et il lui a accordé une attention toute spéciale. À peine installé, le cabinet Rogier a jeté les bases d’une institution nouvelle : les expositions agricoles. Peu de jours ont suffi pour réunir à Bruxelles tous les produits de la terre, depuis les denrées alimentaires les plus communes jusqu’aux produits les plus rares de l’horticulture. Cet essai, quoique incomplet, portera en Belgique, selon toute apparence, les mêmes conséquences qu’en Angleterre, où il a été couronne d’un brillant succès.

Toutefois le gouvernement belge ne s’est pas contenté d’encourager l’agriculture : il a également songé aux consommateurs, aux classes laborieuses, surtout, qui éprouvent si impérieusement le besoin de la vie à bon marché. L’arrêté par lequel M. de Theux avait temporairement autorisé la libre entrée des céréales et du bétail fut prorogé par le nouveau cabinet, et aujourd’hui, même on a l’espoir que cette mesure exceptionnelle sera incessamment convertie en loi, et que nos frontières resteront toujours ouvertes aux denrées alimentaires moyennant un simple droit de balance.

En préparant, par de sages mesures, l’heureuse solution de la question des Flandres, le cabinet libéral avait écarté de sa route la plus grave des difficultés qui lui eussent été léguées par l’administration catholique : restait l’opposition du parti radical, à laquelle il fallait ôter tout motif sérieux. C’est par des mesures favorables aux travailleurs que le ministère libéral répondit aux attaques de ce dernier parti. Les actes des conseils des prud’hommes furent affranchis de tous frais de justice, de timbre, d’enregistrement. Des lois furent rendues