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leurs hommes d’état plutôt qu’au courage de leurs soldats ; nous les en supplions dans l’intérêt de leur race, de la Hongrie tout entière et de la civilisation de l’Orient, parce qu’en déclarant la guerre à la Croatie, ils soulèvent peut-être du même coup Slovaques et Roumains, et jettent le royaume à des discordes dont l’issue ne peut, dans aucun cas, lui être avantageuse.

Hâtons-nous de le dire, si menaçante que soit la crise au sein de laquelle les Magyars s’agitent, si prochain que soit le danger, bien que les hostilités aient déjà commencé sur plusieurs points, nous sommes loin de désespérer de leur prudence. En lisant l’histoire de leurs démêlés avec l’Autriche et de leurs progrès constitutionnels, nous nous plaisons à reconnaître, avec M. de Gérando, leurs qualités généreuses, leur libéralisme et tous les services qu’ils ont rendus aux idées modernes. Ils ont puissamment contribué à réchauffer la vie politique dans les veines engourdies de la vieille Autriche, et, aujourd’hui, ils possèdent plus qu’aucun autre peuple de l’empire l’expérience du gouvernement constitutionnel et des discussions parlementaires, l’esprit d’administration et l’éloquence politique. Oui, il est difficile de croire qu’ils ne finissent pas par reconnaître la gravité des dangers dans lesquels la question de race les précipite avec tant de rapidité, et combien il y aurait plus de gloire pour eux à proposer aux Croates une paix fraternelle qu’à prétendre au rétablissement d’une prépondérance aujourd’hui impossible. Au lieu de travailler à la dissolution de la Hongrie sous prétexte d’y fonder l’unité magyare, ils préféreront, c’est notre vœu et notre espoir, y exercer la suprématie des lumières et du bon sens, par laquelle ils se placeront à la tête de la confédération des peuples hostiles aux entreprises russes.

H. DESPREZ.


— JERÔME PATUROT A LA RECHERCHE DE LA MEILLEURE DES REPUBLIQUES, par M. Louis Reybaud[1]. — On n’a pas oublié l’histoire amusante de Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale. M. L. Reybaud y passait en revue avec beaucoup de verve et de gaieté nos ridicules et nos travers d’avant 1848. C’est une heureuse idée que d’avoir continué ce roman et d’avoir cherché à peindre la société française sous la république comme on l’avait déjà peinte, sans la flatter, sous la monarchie. Les deux premiers volumes du nouveau roman de M. Reybaud ont seuls paru, et déjà ils prouvent que le voyage de Jérôme Paturot à travers les excentricités républicaines ne le cédera pas en intérêt au récit de ses premières tribulations. Les commissaires de M. Ledru-Rollin, les clubs de toutes couleurs, les ateliers nationaux, les empiriques, les solliciteurs, la guerre des candidatures, les projets de constitution, tout ce cortège d’abus et d’erreurs qui nous ont plus ou moins péniblement préoccupés depuis quelques mois a fourni à l’auteur une suite de pages joyeuses et sensées, où l’on ne trouve, mérite rare aujourd’hui, aucune trace d’irritation ou, d’exagération. En attendant que la comédie républicaine soit née parmi nous, c’est au roman qu’il convient de suppléer à son silence et de prendre pied sur le terrain trop négligé de la satire

V. DE MARS.

  1. Deux volumes in-18, chez Michel Lévy, 2, rue Vivienne.