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démagogique, et tel qui s’en indigne aujourd’hui a chargé lui-même le pistolet qui a éclaté dans sa main.

Concluons, s’il est possible. L’organisation du pouvoir exécutif républicain, l’organisation du suffrage universel, c’étaient là les deux problèmes à résoudre par la constitution nouvelle, car c’étaient là les différences essentielles du nouveau régime d’avec l’ancien, les deux grandes innovations du jour. Concilier la république avec les exigences du pouvoir exécutif, concilier le suffrage universel avec la vérité des élections, c’était la tâche difficile proposée à nos constituans. Si ces réflexions sont bien fondées (et nous regrettons pour l’avenir de la France de ne pouvoir entretenir le moindre doute à cet égard), non-seulement la difficulté n’est pas résolue, elle n’est pas même abordée. On dirait par intervalles qu’elle est accrue comme à plaisir. Faut-il en conclure que la solution était impossible, et que la république soit condamnée à l’inertie du pouvoir et au mensonge des élections ? D’autres s’empresseraient de l’affirmer ; mais ce serait un triomphe prématuré. Comme aucun effort sérieux n’a été tenté, l’épreuve, nous devons le reconnaître, n’est pas décisive. Demandons-nous qu’on remette la constitution sur le métier, et qu’on ajourne ainsi le moment désiré par la nation, où nous passerons de l’état extraordinaire avoué à l’état soi-disant régulier ? — Nous le dirons ingénument : on recommencerait vingt fois le travail aujourd’hui, que nous n’y aurions pas beaucoup plus de confiance. Il a plu à la France de rentrer dans le cycle révolutionnaire que nous croyions avoir parcouru tout entier. Ce n’est point à l’entrée d’une telle carrière que les bonnes constitutions peuvent se faire. L’air qu’on respire à de telles époques ne leur permet pas de venir à terme. Il faut parcourir bien des phases, il faut ensevelir bien des erreurs sur bien des champs de bataille, avant que de pouvoir entrer dans la terre du repos. Les principes fondamentaux mis aujourd’hui si imprudemment en question ont besoin d’être démontrés de nouveau : Dieu veuille que ce ne soit pas au prix d’épreuves trop douloureuses. En outre, tout retard apporté aujourd’hui à la promulgation de la constitution semblerait indiquer de la part de l’assemblée nationale une volonté de se prolonger au-delà du terme moralement assigné à son mandat. On prétend qu’il ne manque pas de gens pour lui en donner le conseil. Espérons qu’elle ne le suivra pas. Élue dans des jours d’étourdissement et d’orage, elle doit avoir besoin elle-même de se retremper au plus tôt dans une élection plus réfléchie. Les assemblées s’usent vite d’ailleurs aux épreuves que celle-ci a déjà soutenues. Dieu nous préserve des conventions nationales et des longs parlemens qui se perpétuent d’autorité, qui se dessèchent, pour ainsi dire, sur place, et épuisent jusqu’au bout la patience d’un pays !