Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont leur présence marquait assez la couleur. Les états de leur côté, les vieux états de Bohême, la fleur de l’aristocratie féodale, se prêtaient aux circonstances et s’étudiaient à ménager des tempéramens. Vingt-quatre de leurs plus nobles membres, princes, comtes, barons et chevaliers, publiaient dans la Gazette constitutionnelle de Bohême une déclaration consolante pour les pétitionnaires alarmés : ils reconnaissaient spontanément que la condition essentielle de toute assemblée nationale était désormais de réunir les mandataires des villes, des campagnes, de l’industrie et de la science. Ils ne demandaient qu’à s’adjoindre pour une fois les députés municipaux, selon le rescrit du 23 mars, afin de déterminer les bases de la vraie représentation du pays, qui serait ensuite au plus tôt convoquée. « Nous voulons, disaient ces gentilshommes d’antique souche, nous voulons prouver que nous aussi nous sommes en honneur et en conscience sur la voie du progrès. » Cependant le ministère autrichien se renouvelait, et il appelait Schafarik à Vienne pour s’éclairer sur les besoins de la littérature et de l’enseignement slaves. Toutes ces concessions, répétées de jour en jour depuis le commencement d’avril, en amenèrent une plus définitive encore. Le rescrit impérial du 8 avril effaça celui du 23 mars, et ne laissa plus rien à désirer aux pétitionnaires de Prague. Les quatorze articles inscrits à deux reprises dans l’adresse du 11 et dans celle du 28 mars, les articles analogues ou spéciaux de l’adresse des étudians, tous étaient purement et simplement homologués. L’empereur accordait tout, droits politiques et restauration nationale. L’héritier présomptif de l’empire, le jeune François-Joseph, fils de l’archiduc François-Charles, était nommé vice-roi de Bohême. La Bohême devenait ce qu’elle avait cessé d’être depuis des siècles, un royaume à part, comme la Hongrie, et le réveil de son indépendance d’autrefois coïncidait avec l’inauguration des plus larges libertés de l’ère moderne. Un seul point manquait au contentement des Tchèches, qui levaient enfin tout-à-fait la tête au milieu de ce triomphe que les Allemands avaient cru bonnement partager avec eux, un seul point : la Moravie et la Silésie protestaient contre la fusion sollicitée par la Bohême. Les divisions primitives des familles slaves reparaissaient à l’heure même où il semblait qu’elles allaient s’éteindre dans un fraternel embrassement. Ce n’était pourtant pas de quoi décourager les Tchèches, maintenant qu’ils étaient maîtres de la situation fit qu’ils pouvaient la diriger au profit exclusif de leur drapeau.


II.

Le rescrit impérial du 8 avril ouvrait, en effet, une carrière toute neuve aux Tchèches. Par cela seul qu’il mettait les deux nations sur