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de fois contre la nationalité de leurs sujets slaves. Il n’y avait qu’un congrès européen qui pût rétablir l’équité dans les rapports des états et des races ; ils le sollicitaient « au nom de l’égalité, de la liberté, de la fraternité de tous les peuples. »

Le pacte fédéral dont le congrès slave avait tracé le plan reposait sur des données plus précises. Les conditions devaient en être discutées ultérieurement par les diètes respectives des différentes provinces, et le comité permanent qui résiderait à Prague restait chargé de hâter l’accomplissement de cette alliance par tous les moyens pacifiques. C’était un nouvel essai de la ligue du rappel. L’embarras était dans la situation géographique des familles slaves, qui, réunies par les liens du sang, se voyaient séparées par la distribution des territoires entre des souverainetés différentes. Si la Gallicie, par exemple, passait à jamais au groupe autrichien, allait-elle donc ainsi quitter la famille polonaise ? On reconnaissait au contraire qu’il était plus important que jamais de rassembler tous les membres épars de l’ancienne république de Pologne ; mais on comptait aussi que Polonais et Ruthéniens, le jour de leur émancipation définitive, se souvenant qu’il étaient Slaves, s’uniraient au grand corps autrichien, sinon pour faire un seul état fédératif, du moins pour instituer une confédération d’états. On créerait de la sorte, à l’ombre de la dynastie autrichienne, une solide agglomération de peuples slaves liés entre eux par un principe tout différent du principe de M. de Metternich, par la consécration officielle des droits égaux de toutes les nationalités.

Le congrès montrait ainsi trop clairement que le culte de la monarchie autrichienne n’était pour lui qu’un moyen politique, que le but exclusif de ses efforts était la restauration de la grande Slavie ; il ne s’appuyait pas sur les Russes, dont il suspectait et surveillait les manœuvres ; il se sentait animé d’un esprit démocratique qui ruinait l’espoir mis en lui par la camarilla d’Inspruck, par les aristocrates entêtés ; il témoignait en même temps une modération qui gênait la fureur des démagogues ; il ne prodiguait pas l’injure aux Allemands, et il admettait qu’une fois suzerains à Prague, les Slaves n’opprimeraient point la nationahté allemande, pas plus qu’ils ne voulaient être blessés dans la leur par les arrêtés de la diète de Francfort. Le congrès procédait donc avec une mesure et une conséquence que l’on n’eût point attendue, dans cet embrassement improvisé de nations diverses depuis si long-temps étrangères les unes pour les autres. Malheureusement cette résurrection nationale, tout en s’appuyant sur des dévouemens très sincères, avait été escortée, dès son premier éveil, par des intrigues et des passions qu’il était trop facile de tourner contre elle ; les plus patriotes eux-mêmes ne s’étaient pas fait faute d’incliner, soit à la cour, soit à la démagogie, selon les circonstances. Aussi, à mesure que l’attitude du congrès