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régime qui devait être appliqué, soit que l’abolition de l’esclavage fût faite par le système simultané, soit qu’elle le fût par le mode progressif. Dès ce moment, on se mit réellement à l’œuvre ; d’autres mesures furent prises pour donner à l’esclave la condition d’une personne civile, en attendant qu’on pût l’élever à celle d’homme libre. Nous n’énumérerons pas tous les actes qui annonçaient de la part du pouvoir la résolution d’attaquer et de changer la vieille société coloniale. Ces actes n’avaient pas, nous en convenons, le caractère décisif que quelques esprits ambitieux d’atteindre promptement le but auraient pu leur souhaiter ; mais, tels qu’ils étaient, ils répondaient à la volonté calme et circonspecte manifestée par la majorité des chambres.

Lorsque M. de Mackau quitta le ministère de la marine, une plus vive impulsion fut imprimée par son successeur, M. de Montebello, à ce mouvement de réforme. Des instructions sévères furent adressées à tous les gouverneurs pour que la législation nouvelle fût mise en vigueur dans toutes ses parties ; le personnel judiciaire, épuré par quelques éliminations, fut fortifié de l’adjonction de magistrats européens sincèrement dévoués aux vues de la métropole. Un nombre considérable de frères de la congrégation de Ploërmel et de sœurs de Saint-Joseph fut expédié dans nos établissemens, pour y répandre l’enseignement élémentaire et l’instruction religieuse ; enfin, des projets furent préparés pour faire l’essai aux frais de l’état, sur une grande échelle et dans chaque colonie, de la substitution du travail salarié au travail forcé dans la culture des denrées coloniales.

Le gouvernement de juillet marchait résolument dans cette voie, lorsqu’il a été renversé. Deux ordonnances étaient soumises par lui aux délibérations du conseil d’état : l’une sur le mariage civil des esclaves, l’autre pour la création des caisses d’épargne. Il avait également préparé une ordonnance pour la répression du vagabondage, et il demandait aux chambres, par des crédits extraordinaires et par des allocations inscrites au budget de 1849, les fonds nécessaires à la fondation d’ateliers coloniaux où des travailleurs libres devaient être seuls employés. Les frères trappistes s’étaient chargés de faire cette expérience en grand à la Martinique, et l’administration comptait sur cet exemple pour réhabiliter aux yeux des noirs le travail de la terre.

Ces mesures préparatoires n’étaient pas suffisantes ; le gouvernement voulait faire des pas plus décisifs vers la solution : c’est ainsi que la population esclave de Mayotte avait été affranchie dans le courant de l’année 1847, et que le ministère se proposait de présenter, dans la session de 1848, un projet de loi pour opérer immédiatement l’abolition de la captivité à Saint-Louis du Sénégal et dans nos établissemens de la côte d’Afrique, c’est-à-dire pour éteindre l’esclavage à son berceau. Il avait, de plus, formé le dessein, pour l’année suivante, d’exécuter