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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 août 1848.


Il y a, dans tous les temps, des esprits naïfs et sincères, des âmes bien intentionnées qui accueillent d’enthousiasme les nouveautés à leur début, comme si chacune, à mesure qu’elle arrive, était infailliblement un pas de plus sur une route montante où l’humanité marcherait toujours sans jamais faire de halte. Ce sont ces esprits candides, ces cœurs généreux, qui parent ordinairement du meilleur attrait qu’elles puissent avoir les premières heures des révolutions. Ils voient tout en grand et en beau, leur joie est pleine d’espérance, et cette espérance contagieuse rayonne si bien autour d’eux, qu’ils la communiquent souvent aux plus chagrins. Par malheur, le temps coule, les jours, les semaines, les mois, et vient alors le moment où il faut s’avouer qu’au lieu du neuf que l’on attendait, que l’on croyait déjà tenir, on n’a, cette fois encore, que l’éternel recommencement des choses.

Nous n’en voulons pas à ces illusions innocentes : elles ont du moins le mérite d’adoucir les brusques soubresauts de notre fortune ; mais le moyen de les prolonger ! Au sortir d’une nuit de tempête, vous cherchez les magnifiques horizons que l’on vous a promis pendant que la tempête grondait ; le brouillard aidant, ou la vague lueur du matin, vous imaginez d’abord les découvrir ; le brouillard tombé, ce ne sont plus qu’horizons trop connus, les mêmes terres basses et plates semées des mêmes précipices ou des mêmes marécages, portant aussi, grâce à Dieu, sans beaucoup de moins, les mêmes fruits et les mêmes moissons. Le monde, en vérité, ne change pas, les aventures d’hier seront encore celles de demain. Ce n’est pas seulement dans le grand cercle de l’histoire universelle, dans la longue série des destinées générales, que l’on voit se dérouler sans fin les corsi et les ricorsi de Vico. Ces tours et retours s’accomplissent avec une monotonie aussi inflexible dans le domaine plus étroit des vicissitudes politiques, sur l’échelle plus courte des destinées particulières. Les événemens et les hommes se succèdent en se répétant ; les passions se reproduisent, les idées se copient, les faits reprennent leur cours, le cours qu’ils ont eu et qu’ils auront sous toutes les latitudes. Par des lois toujours pareilles, on passe partout et toujours, de la liberté réglée à la liberté sans bornes, de celle-là jusqu’à la licence, de la licence à l’arbitraire, d’où jamais, espérons-le du moins, jamais on ne manque de revenir