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lorsqu’on n’avait à lui proposer que des sacrifices. Quant à l’abolition de la loterie, c’était une mesure pleine en effet de moralité, mais peu prudente, nous le répétons, vu la pénurie d’argent dont l’on souffrait et le mécontentement qu’elle ne pouvait manquer d’exciter dans le peuple.

Si les charges nouvelles créées par l’entretien de l’armée piémontaise et par des mesures intempestives avaient gravement compliqué la situation du trésor, le désordre extrême qui s’introduisit dans toutes les parties de l’administration vint surtout accélérer la ruine de nos finances. Le choix des membres du gouvernement provisoire n’avait pas été bon ; le choix de leurs adhérens fut plus mauvais encore. Dans les premiers jours qui suivirent l’expulsion des Autrichiens, beaucoup de personnes eurent les places qu’elles se donnèrent elles-mêmes ; plus tard, ce furent les cliens des nobles familles qui entrèrent en possession des emplois les plus lucratifs ; un assez grand nombre d’anciens employés, créatures de l’Autriche, demeurèrent à leurs postes, et, comptant sur le retour des Autrichiens (retour qu’ils préparaient de toutes leurs forces), ils tiraient profit du provisoire pour s’enrichir impunément.

On a vu ce qu’étaient la police et l’administration financière du gouvernement provisoire de Milan : il nous reste à le suivre sur un autre terrain. Le ministère de la guerre était celui où se commettaient les plus honteuses dilapidations. Le chef de ce ministère, le comte Litta, homme honorable autant qu’excellent citoyen, tomba malade, et l’intérim du ministère fut confié à M. Collegno, émigré piémontais de 1821, administrateur intègre et libéral, mais faible et fatigué des révolutions. M. Collegno convenait mieux au gouvernement provisoire que M. Litta ; aussi ce dernier ne parvint-il pas à ressaisir le portefeuille de la guerre : il tint ferme pendant quelques jours dans son refus de se retirer ; mais, placé dans l’alternative ou de faire éclater des discordes intestines ou de céder, il se démit. Ce fut M. Collegno, son successeur, qui appela aux affaires le général Perron, dont presque toute l’armée crut avoir à se plaindre.

M. Collegno et le général en chef Théodore Lecchi, ancien général du royaume d’Italie, ne surent point mettre un terme aux désordres qui excitaient l’indignation publique contre le ministère de la guerre. Le payeur en chef, l’employé par les mains duquel tout l’argent du ministère devait passer, était un ancien commerçant, connu de la ville entière pour avoir fait quatre banqueroutes frauduleuses. L’armée lombarde et les corps francs manquaient de souliers, d’habits, de manteaux, de tous les objets de première nécessité. L’armement n’avançait pas faute d’argent, et pourtant tous les revenus des familles aisées étaient versés dans les caisses du trésor. Il n’était bruit dans la ville que des vols audacieux commis par tel ou tel membre de l’administration,