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Gaëtan Donizetti est né en 1798 dans lu ville de Bergame, sur le territoire de l’ancienne république de Venise. Cette ville est célèbre aussi pour avoir donné le jour à beaucoup de grands chanteurs, parmi lesquels nous ne citerons que les deux fameux ténors David père et Rubini. Fils d’un petit employé qui n’avait, pour soutenir une nombreuse famille, que les émolumens de sa place, Donizetti reçut néanmoins une éducation distinguée. Sa vocation pour les arts se déclara de très bonne heure ; mais, chose assez singulière, ce ne fut pas la musique qui l’emporta d’abord dans son jeune cœur. Donizetti voulait être architecte ; il aimait avec passion le dessin, qu’il ne cessa de cultiver toute sa vie avec infiniment de goût et de succès. Son père, d’un autre côté, aurait désiré lui voir embrasser la carrière du barreau, comme la route la plus sûre pour arriver au bien-être et à la considération. Il y eut alors entre l’instinct de la nature et l’autorité paternelle une de ces luttes fécondes qui éclatent souvent au berceau des grands artistes, comme si la Providence voulait les préparer d’avance aux combats qu’ils auront à soutenir un jour pour la conquête de l’idéal. Après quelque résistance, Donizetti eut enfin la permission de suivre les penchans de son ame. Il apprit les élémens de la musique dans un institut musical de sa ville natale, qui avait été fondé le 18 mars 1805, et qui fut réorganisé le 6 juillet 1811 sous la direction de Jean-Simon Mayer. Mayer, célèbre compositeur dramatique, qui jouissait alors d’une grande réputation, initia le jeune Donizetti aux premiers secrets de l’harmonie. Il lui donna des leçons d’accompagnement, lui apprit à comprendre, à goûter les œuvres des maîtres, lui délia la langue et facilita l’essor de son imagination. Ainsi préparé par les conseils pratiques et salutaires de cet homme distingué, que Donizetti a toujours vénéré comme un père, et avec lequel il n’a jamais cessé d’entretenir les rapports les plus affectueux, il se rendit à Bologne pour y achever son éducation musicale sous la direction de l’abbé Mattei. Stanislas Mattei, ancien moine de l’ordre des cordeliers appelés mineurs conventuels, continuait dans l’enseignement musical de Bologne la tradition du padre Martini, dont il avait été l’élève bien-aimé. Ce padre Martini, qui nous a laissé une Histoire de la Musique et des travaux fort estimés sur la théorie de l’art, était l’un des plus savans musiciens du XVIIIe siècle. 11 fut, pendant cinquante-neuf ans, maître de chapelle de l’église de Saint-François de Bologne, où il fonda une école devenue célèbre par la solidité des doctrines qu’on y enseignait et par le grand nombre d’excellens professeurs qui en sont sortis. Le padre Martini jouissait d’une réputation européenne, il était en correspondance avec les plus grands personnages de son temps, tels que le roi de Prusse Frédéric II et le pape Clément XIV. Les hommes les plus instruits, les compositeurs les plus illustres le consultaient avec déférence et s’appuyaient