Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/839

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surprenant qu’il fournisse déjà 290 millions de kilogr., ou 43 pour 100 dans le total des viandes consommées.

De ce que la balance penche en faveur des villes dans le partage des produits, faut-il conclure qu’il y a progrès, au moins dans les grands centres de population ? Prenons Paris pour exemple. Des statisticiens consciencieux, comme M. Benoiston de Châteauneuf et M. Millot, M. Cunin-Gridaine, ministre du commerce en 1841, et M. Boulay de la Meurthe, au nom du conseil municipal, ont soutenu que l’alimentation des Parisiens était moins substantielle aujourd’hui que sous l’ancien régime. D’un autre côté, M. Tourret, aujourd’hui ministre du commerce, a combattu par des calculs très séduisans les tristes conclusions de la statistique. « Supposez, a-t-il dit, qu’à une des époques prises pour point de comparaison, il y eût 500,000 riches consommant chacun 100 kilog. de viande, et 100,000 pauvres réduits à se contenter de 10 kilogrammes, et à une époque postérieure 600,000 riches achetant encore 100 kilogrammes, et 400,000 pauvres mangeant trois fois plus que par le passé : la consommation moyenne, dans le premier cas, sera de 85 kilogrammes, et, pour la seconde période, bien évidemment en progrès sur la première, la moyenne s’abaissera à 72. » L’argument est plus ingénieux que solide ; il tombe devant le simple exposé des faits.

Lorsque de La Mare écrivait son Traité de la Police, il avait sous les yeux les anciens registres du Châtelet, constatant que, dès le XVe siècle, des marchés pour le bétail étaient tenus à Paris le mercredi et le samedi de chaque semaine, et qu’ordinairement « il s’y trouvait jusqu’à 2 à 3,000 moutons, et 1,000 à 1,200 bœufs. » Sans attacher trop d’importance à cette vague indication, elle permet de croire que l’usage de la viande dominait dans le régime alimentaire, et que les Parisiens l’obtenaient à très bas prix. Les documens n’acquièrent de la précision qu’à partir du règne de Louis XIII.


DÉNOMBREMENT DU BÉTAIL INTRODUIT À PARIS À DIVERSES ÉPOQUES.


Bœufs Vaches Veaux Moutons Porcs
Année 1634 (ministère de Richelieu) 50,000 27,000 70,000 416,000 «
Bail de 1697 à 1702 (moyenne de six ans), population évaluée à 720,000 âmes 52,359 7,386 116,916 382,061 29,606
Bail de 1726 à 1731 (moyenne de six ans), population évaluée à 550,000 âmes 60,537 14,579 122,002 387,290 26,960
Année 1785. Environ 620,000 âmes. 73,849 11,930 94,727 332,628 38,297
— 1812. 624,000 habitans 72,268 6,929 76,154 347,568 «
— 1825. Environ 740,000 habit. (Fêtes et affluence à Paris)....» 82,948 12,762 79,482 440,663 «
— 1844. 960,000 habitans 76,565 16,450 78,744 439,950 87,787
— 1846. 1 million d’habitans. (Grand mouvement commercial. — Chemins de fer.) 80,256 21,980 84,444 487,644 93,502