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coutume ou étaient contraints d’embrasser le même genre de vie que leurs ancêtres. » Dans le classique manuel d’archéologie d’Otfried Müller, on lit qu’en Égypte, «pour chaque fonction, il y avait des gens voués héréditairement à cette fonction. » Je pourrais citer un grand nombre de passages semblables. Rossellini seul, averti par les monumens, a soulevé quelques doutes ; mais le peu de place que cette question pouvait occuper dans son grand ouvrage et des conclusions trop restreintes et trop vagues ne lui ont pas permis de porter, à un préjugé déjà ancien et invétéré, un coup décisif. C’est ce que je vais tâcher de faire aujourd’hui.

J’entreprends de démontrer que cette idée qu’on se fait depuis si long-temps de l’ancienne société égyptienne comme divisée en castes, dont chacune était vouée à des occupations spéciales, exclusives et héréditaires, n’est point exacte, que cette société n’a mérité sous ce rapport ni les louanges ni le blâme dont elle a été tour à tour l’objet. Je crois pouvoir établir avec certitude :

1° Qu’il n’y avait pas de castes dans l’ancienne Égypte, en prenant ce mot dans un sens rigoureux, le sens, par exemple, qu’il a dans l’Inde, bien que plusieurs sa vans, et entre autres Bohlen, aient affirmé le contraire ;

2° Que plusieurs professions importantes, celles de prêtre, de militaire, de juge, et quelques autres, n’étaient pas constamment héréditaires ;

3° Qu’il n’y avait qu’une distinction profonde entre les diverses parties de la société égyptienne, la distinction qui se montre partout entre les hommes livrés aux professions éminentes et les hommes qui exercent les métiers.

Contre des assertions répétées de siècle en siècle, je n’invoquerai qu’un témoignage, mais il me semble irrécusable : c’est le témoignage des monumens et des inscriptions.

A ceux qui ne croient pas que la clé véritable de la lecture des hiéroglyphes ait été trouvée par Champollion, je n’ai rien à dire. Dans leur opinion, je suis un rêveur ; dans la mienne, ils ferment les yeux à la lumière du jour. La discussion n’est pas possible entre nous.

Ceux qui, sans se prononcer sur le degré de perfection auquel a été porté le déchiffrement des inscriptions hiéroglyphiques, sont d’accord sur le principe de ce déchiffrement, et je crois pouvoir dire qu’ils forment la très grande majorité des savans qui ont examiné la question, ceux-là seront en droit de me demander un compte sévère de l’application que j’aurai faite de la méthode de Champollion, et je ne décline point l’obligation où je suis de les satisfaire. En effet, toute l’économie de mon argumentation repose sur des textes hiéroglyphiques interprétés d’après les principes posés dans la Grammaire