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1823, Donizetti était à Florence, et il composait la Parisina pour Mlle Ungher, Duprez et Goselli, un excellent baryton. Il retourna à Milan l’année suivante pour écrire Lucrezia Sorgia, qui renferme plusieurs morceaux remarquables. C’est au commencement de 1835 que Donizetti vint à Paris pour la première fois. Bellini y était établi déjà depuis deux ans, et sa douce mélopée lui avait conquis le cœur de toutes les femmes. Donizetti eut beaucoup de peine à dissiper les préventions défavorables qu’on avait conçues de son talent, et, malgré les beautés réelles que les connaisseurs purent discerner dans Marino Faliero, qu’on avait accueilli avec assez de faveur pendant les premières représentations, cet opéra ne put se soutenir long-temps à côté des Puritains, qui avaient été donnés quelques mois auparavant, en janvier 1835. Le chef-d’œuvre de Bellini avait tourné toutes les têtes et absorbé tout l’enthousiasme des dilettanli. Donizetti dut repartir pour l’Italie en laissant son rival maître du champ de bataille. Il se rendit à Naples dans la seconde moitié de cette même année 1835. Là il eut le bonheur de trouver sous sa main Mme Persiani, Duprez et Coselli, trois artistes dont il connaissait les ressources. Muni d’un libretto intéressant, il se mit aussitôt à l’ouvrage, et, dans l’espace de six semaines, il créa l’une des plus charmantes partitions de notre siècle, la Lucia di Lamermoor, son chef-d’œuvre, où il a versé les plus douces mélodies de son cœur et développé les plus brillantes qualités de sa manière. Cet opéra, qui n’obtint aux premières représentations qu’un succès contesté, excita ensuite des transports d’admiration dans toute l’Europe. Duprez s’y révéla chanteur de premier ordre, et l’on doit présumer que le style large et sévère de ce grand virtuose a exercé une influence favorable sur l’inspiration du compositeur.

Donizetti revint à Paris en 1840, précédé, cette fois, d’une grande célébrité qu’il devait à sa Lucie, qui avait été traduite en français et représentée au théâtre de la Renaissance. Bellini n’existait plus, il était mort six mois après avoir donné le jour à l’opéra des Puritani et avoir prouvé que son génie élégiaque pouvait trouver, au besoin, des accens plus profonds et plus variés. Donizetti apportait avec lui trois nouveaux ouvrages avec lesquels il se proposait d’aborder encore une fois ce redoutable public parisien, dont il n’avait pu éveiller la sympathie quelques années auparavant. Ses trois opéras étaient : la Fille du régiment, les Martyrs et la Favorite. Les Martyrs avaient été composés à Naples pour ce pauvre Nourrit, qui en avait tracé lui-même le libretto d’après le Polyeucte de Corneille. La censure napolitaine n’en avait pas permis la représentation. La Favorite, qui, sous le titre de l’Ange de Nisida, était destinée au théâtre de la Renaissance, fut disposée pour l’Académie royale de Musique, et un quatrième acte fut ajouté aux trois dont se composait la partition primitive. Aucun de ces