Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des fonctions sacerdotales et des fonctions militaires, aurait appartenu à la fois à deux castes, ce qui ne se comprend pas davantage.

Il n’y avait donc point de castes en Égypte ; c’est un lieu commun auquel il faut renoncer. Ceux qui le regretteront peuvent se consoler, il en restera encore d’autres après celui-là.

Au lieu de cette division de la société égyptienne, j’en aperçois une autre. Je remarque que les professions qui figurent sur les monumens sont toujours les mêmes : prêtres, guerriers, juges, préposés à l’architecture, chefs de district ou de province, ce sont là, avec quelques titres qui semblent purement honorifiques, les seules conditions qui paraissent dans les inscriptions funèbres. Les autres professions, celles de laboureur, d’agriculteur, d’artisan, de médecin même, ce qui est surprenant d’après tout ce qu’on a dit sur la médecine égyptienne, ne se sont pas rencontrées jusqu’ici sur les monumens funéraires. Ce genre d’honneur, qui consiste à montrer le mort recevant les hommages de sa famille et honorant les dieux, les priant de le protéger dans l’autre monde, cet honneur n’est jamais accordé qu’aux professions ci-dessus énumérées.

Cette circonstance me paraît établir une distinction fondamentale entre les classes, je ne dis pas les castes, entre les professions regardées comme éminentes et qui avaient droit à la mention et à la représentation funèbres et les professions qui n’étaient pas jugées dignes de cet honneur.

Il me resterait à montrer comment s’est établi le préjugé que je viens de combattre : une erreur n’est complètement réfutée que lorsqu’elle est expliquée.

On a, selon moi, abusé de divers passages d’Hérodote, de Diodore de Sicile, de Platon, pour former le fantôme des castes égyptiennes. Ces passages contiennent des assertions non point fausses, mais un peu exagérées, et dont, comme il arrive toujours, l’exagération a été fort accrue par ceux qui l’ont reproduite. Ainsi Hérodote affirme d’une manière trop absolue l’hérédité des fonctions militaires, Diodore de Sicile l’hérédité des fonctions sacerdotales, Platon la séparation des classes ; mais ces assertions, fondées, il faut le reconnaître, sur certains faits réels, empreintes seulement de quelque exagération et de quelque inexactitude, ont été moins une cause qu’une occasion d’erreur. Ces auteurs avaient dit un peu trop ; on a dit beaucoup plus encore après eux, et ainsi on a toujours été s’éloignant de la réalité et s’approchant du système. Cette histoire est celle de la formation de sérieuses erreurs. Un mot pris dans un sens plus absolu que celui qu’il avait dans la pensée de l’auteur ; la formule remplaçant et faussant, par son exagération tranchante, une assertion vraie d’une vérité d’à peu près, mais qui n’est point la vérité géométrique ; cet à-peu-près qu’on outre et