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devoir prendre au sérieux ces hyperboles. Il répondit, et sa réponse fut à la fois accablante et généreuse. Sans sortir de la défensive, sans se donner le plaisir, devenu malheureusement trop facile, de riposter par de dures vérités, il se contenta d’opposer à des allégations sans preuves une longue série de chiffres authentiques et une masse de faits incontestables recueillis avec autant d’exactitude que d’impartialité.

Personne n’essaya de relever le gant. La réplique n’était pas possible. Le procès était jugé. Trois mois s’étaient écoulés depuis le 9 mars : la lumière s’était faite sur les hommes et sur les choses. Les créanciers des caisses d’épargne, les porteurs de bons du trésor, avaient appris à leurs dépens de quelle façon la république sauvait la France de la banqueroute ! Tout le monde savait à quoi s’en tenir sur les talens financiers du gouvernement provisoire. On voyait l’assemblée nationale occupée sans relâche à corriger ses erreurs de calcul, à réparer ses imprudentes méprises. La vraie source du mal n’était ignorée de personne. On ne pouvait plus donner le change au public par de nouvelles attaques contre les finances de la monarchie. Il était donc permis de croire que ces attaques ne se reproduiraient plus, et que les nouveaux directeurs de la fortune publique auraient dorénavant le bon goût de pourvoir aux embarras du présent, sans chercher de mauvaises querelles au passé.

Il n’en a pas été ainsi. Un homme qui, pour avoir osé répudier, du moins en partie, l’héritage de ses deux prédécesseurs, s’est acquis dans le monde financier la faveur et l’estime de beaucoup de gens, l’honorable M. Goudchaux, se laissant entraîner un jour à la tribune, on ne sait à quel propos, hors des voies de modération qui lui étaient familières, s’est pris à dire : « Est-ce bien à la monarchie à nous donner des leçons de bonne administration des finances, elle qui nous a légué ce passé que vous connaissez, passé incontestable et incontesté : elle dont l’ignorance et l’incapacité complète en finances ont amené notre ruine, et nous ont valu la république dont nous jouissons aujourd’hui ? »

Ainsi, nous le constatons à regret, le pouvoir, sur cette question, n’est aujourd’hui ni plus juste, ni plus impartial, ni plus éclairé, qu’il y a six mois. Ce qui était presque excusable le lendemain du combat, dans l’effervescence du triomphe ; ces récriminations dédaigneuses et passionnées qui, dans la bouche de M. Garnier-Pagès, pouvaient passer pour d’anciennes habitudes parlementaires et d’involontaires refrains d’opposition, lorsque M. Goudchaux les répète, prennent, il faut bien le dire, une tout autre gravité. Comment M. Goudchaux, si peu disposé, comme on sait, à croire M. Garnier-Pagès sur parole lorsqu’il s’agit du budget de la république, a-t-il en lui tant de confiance et se fait-il son docile écho quand il faut juger les finances et les financiers de l’ancien gouvernement ? Si dans les mots il y a des différences, c’est,