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assurée qu’importante. Non-seulement il pouvait compter sur un versement fixe et régulier de 9,999,000 fr. par mois, mais au besoin, et selon les éventualités, il pouvait, en autorisant de nouveaux escomptes, faire affluer au trésor une partie plus ou moins notable des fonds réservés au paiement des derniers termes.

Ces ressources et ces moyens d’action étaient si bien connus sur la place, que, dans l’opinion unanime des hommes de finance, les bons du trésor, malgré les fortes émissions de 1847, étaient toujours considérés comme le premier et le plus sûr des placemens. M. Goudchaux a beau nous dire aujourd’hui que « le crédit public s’affaiblissait chaque jour, et qu’à mesure qu’il s’affaiblissait, il entraînait d’un pas rapide la machine monarchique vers sa ruine ; » les faits parlent plus haut que lui. Pour juger combien ses souvenirs le trompent, qu’il se fasse représenter la situation des bons du trésor en janvier et en février ; il verra de quelle manière, pendant ces deux mois, s’opéraient les renouvellemens, bien que le ministre eût diminué l’intérêt d’un demi pour 100 et l’eût réduit à 4 pour 100, même pour les bons à un an d’échéance.

On se rappelle qu’au mois d’avril 1847, au plus fort de cette crise de subsistances qui entraînait après elle une crise monétaire, industrielle et commerciale, et qui, tout en affectant moins violemment la France que le reste de l’Europe, y causait cependant de profondes perturbations, le ministre des finances, M. Laplagne, avait élevé l’intérêt des bons du trésor à 5 pour 100. Aussitôt les versemens étaient devenus nombreux et abondans.

Vers la fin d’août suivant, le successeur de M. Laplagne, voyant le service complètement assuré, réduisit l’intérêt à 4 et demi pour 100. Les versemens se ralentirent pendant quelque temps, puis ils reprirent bientôt leur cours.

Enfin, au mois de janvier 1848, dans la discussion du paragraphe de l’adresse relatif aux finances, discussion aussi brillante qu’approfondie, qui fit justice de bien des erreurs et jeta un jour si vif sur le véritable état du trésor, l’opposition ne manqua pas de prédire qu’il serait impossible de maintenir l’intérêt des bons à 4 et demi, et qu’avant peu on serait de nouveau forcé de le relever à 5[1] ; or, dès les premiers jours de février, le ministre, malgré la prophétie, jugeant que la réserve avait atteint un chiffre assez élevé, et ne voulant pas inutilement attirer à lui des capitaux qui pouvaient féconder des opérations privées, non-seulement ne releva pas l’intérêt des bons à 5 pour 100, mais le fit descendre à 4. Malgré cette réduction, l’argent ne cessa pas de venir ; les versemens se maintinrent au niveau des remboursemens.

  1. Séance du 26 janvier. — Moniteur du 27, page 203.