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pouvons-nous passer sous silence les engagemens des compagnies de chemins de fer, par exemple, engagemens qui, la plupart, étaient à court terme, qui avaient pour hypothèque les chemins eux-mêmes et leurs produits, et dont la réalisation était regardée comme complètement assurée ? Nous ne pensons pas qu’on puisse refuser d’admettre ces créances à titre de compensation. Or, elles s’élevaient à 152 millions environ, savoir : 116 millions à termes assez rapprochés, et 36 millions à plus longs termes. Enfin, à ces créances il convient d’ajouter, comme rentrées d’une valeur non moins certaine, les terrains dont le prix devait couvrir la dette flottante de ses avances pour la reconstruction de certains grands édifices, terrains évalués, au minimum, à 7 millions. Voilà donc une somme de 159 millions qui doit encore entrer en déduction des charges imputables au dernier gouvernement. Ces charges ne sont donc plus de 402 millions, elles doivent être réduites à 243.

Enfin, il est une nature de dettes dont il n’a pas été question jusqu’ici, mais qui n’en doit pas moins être appréciée dans ses résultats aux deux époques que nous mettons en parallèle ; nous voulons parler de la dette viagère. On comprend sous ce titre non-seulement les anciennes rentes sur une ou plusieurs têtes, mais les pensions de toute nature, civiles, militaires, ecclésiastiques, en un mot tous les services viagers qui pèsent sur le trésor. La dette viagère, pas plus que la dette consolidée, n’est exigible en capital ; mais, de même que, pour nous conformer à la méthode adoptée par M. Garnier-Pagès et le suivre de plus près dans ses calculs, nous avons évalué la dette consolidée en capital nominal[1], de même il nous est permis de capitaliser fictivement la dette viagère, en adoptant le taux moyen généralement admis, savoir, 10 pour 100. Or, la dette viagère, dans le dernier budget de la restauration, s’élevait à 64,606,400 ; elle n’est plus aujourd’hui que de 53,971,000 : différence : 10,635,000 francs. En capitalisant cette différence à 10 pour 100, c’est encore une centaine de millions qui viennent à la décharge du dernier gouvernement, et nous sommes d’autant plus fondé à lui en tenir compte, que cette diminution de la dette viagère ne provient pas seulement de l’action du temps, elle est due en

  1. Le capital nominal n’est pas l’expression exacte de la dette consolidée, il en est l’expression exagérée. Vis-à-vis des porteurs de rentes, l’état n’est engagé qu’à servir des intérêts, le capital est une abstraction qui n’entre pas dans le contrat. En fait, le véritable capital de la rente consolidée, c’est le taux moyen du prix des rachats opérés par la caisse d’amortissement dans un temps donné. Ainsi, par exemple, les 175,000,000 fr. de rentes aujourd’hui inscrites ont pour capital nominal 3,900,000,000 fr. Supposez que l’amortissement parvienne à racheter la totalité de ces rentes, en opérant dans les mêmes conditions qui ont présidé depuis trente ans à ses rachats, les 175 millions seront rachetés pour une somme inférieure à 3 milliards. L’état bénéficierait d’un milliard. La manière d’évaluer les rentes adoptée par M. Garnier-Pagès est donc, nous le répétons, l’expression exagérée de ce genre de dette.