Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute l’Italie avec ce morceau, qu’il interprétait d’une manière extrêmement remarquable ; on aurait dit, en l’écoutant, une mélodie de Platon chantée par une ame chrétienne.

La Favorite n’est pas tout-à-fait un opéra aussi bien réussi et aussi complet que celui que nous venons d’apprécier. Le style en est fort inégal, des idées vulgaires se mêlent souvent aux plus nobles inspirations, et altèrent, par leur contact, cette unité de conception qui est le cachet des œuvres vraiment belles. La romance du premier acte, Un ange, une femme inconnue, est touchante ; le duo entre Fernand et Léouor ne se recommande que par l’allegro Toi, ma seule amie, qui est d’un assez bon sentiment. La romance Pour tant d’amour, que chante le roi Alphonse au troisième acte, est une agréable cavatine de virtuose. L’andante de l’air de Léonor, O mon Fernand, est sans doute d’un goût plus sévère ; mais l’allegro qui suit n’est qu’une mauvaise cabalette. Le finale du troisième acte, ainsi que le chœur qui le précède et le prépare, est très vigoureux et d’un bel effet dramatique. Les airs de danse sont faciles et élégans. C’est au quatrième et dernier acte, écrit à Paris dans un instant propice, que le compositeur a retrouvé toute la tendresse de son génie. Le chœur de moines qui ouvre la scène, Les cieux s’emplissent d’étincelles, est remarquable par l’accent religieux qui le caractérise. La romance Ange si pur, qui avait appartenu d’abord à une partition restée inachevée, le Duc d’Albe, est une inspiration ravissante. Quant au duo final entre Léonor et Fernand, et surtout à l’allegro qu’ils chantent enlacés d’une étreinte suprême :

C’est mon rêve perdu
Qui rayonne et m’enivre,…

c’est l’un des plus beaux élans de la passion qui aient été rendus en musique.

La partie comique de l’œuvre de Donizetti est beaucoup moins importante et surtout moins originale que ses opéras sérieux. L’imitation de Rossini y est flagrante et se retrouve à chaque page. Dans l’Elessire d’amore, on remarque, au premier acte, un fort joli duo entre le charlatan Dulcamara et le jeune paysan Nemorino, et puis le finale, qui est un morceau charmant, rempli de détails piquans et d’une gaieté douce et facile. Au second acte, il y a encore un duo fort agréable entre le charlatan et la sémillante Adina, ainsi que la jolie romance que tout le monde connaît, Una furtiva lacrima.

L’opéra de Don Pasquale n’a pas, il s’en faut, la même distinction que celui de l’Elessire d’amore. On y trouve cependant deux duos pleins de verve, un charmant quatuor et une délicieuse sérénade devenue populaire.

L’instrumentation de Donizetti est brillante, quelquefois vigoureuse,