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qualités qu’on remarque dans les opéras de Mayer. Paër, que nous avons tous connu à Paris, où il est mort membre de l’Institut, le 3 mai 1839, était un musicien plus habile et d’une imagination plus variée que Mayer. Né à Parme en 1771, il fut appelé en 1797 à Vienne, où il eut l’occasion d’entendre les opéras de Mozart, qui firent sur lui une grande impression, et lui donnèrent le goût d’une instrumentation plus énergique et plus colorée que celle de la plupart de ses compatriotes. La Griselda, Camilla et l’Agnese, ses meilleurs ouvrages, sont le résultat de cette double tendance de son talent, une sorte de compromis entre l’école allemande et l’école italienne. Generali, au contraire, est tout italien. il a déjà le brio, le scintillement mélodique et un peu de cette vivacité de style qui seront le partage de celui dont il a été le précurseur.

C’est au milieu de ces idées et de ces formes musicales sonores, tendues et un peu creuses, qui ne sont pas sans analogie avec ce que nous appelons, en France, la littérature de l’empire, que s’éleva Rossini, plein de jeunesse et d’audace, prenant son bien partout où il le trouvait, parce qu’il savait s’approprier tout ce qu’il dérobait. Son œuvre, aussi considérable que varié, se fait remarquer par l’éclat de l’imagination, par l’abondance et la fraîcheur des motifs, par la puissance des accompagnement et la nouveauté des harmonies, par la véhémence, la splendeur et la limpidité qu’il donne au langage de la passion. Génie éminemment italien, tout empreint de l’esprit bruyant et sensuel de son époque, Rossini rompt violemment avec les maîtres qui l’ont précédé. il débouche du XVIIIe siècle comme d’une vallée ombreuse et paisible, et s’avance vers l’avenir avec l’impatience d’un dominateur. On dirait Bonaparte descendant la cime des Alpes pour conquérir les plaines lumineuses de la Lombardie.

Le mouvement philosophique et littéraire qui éclata à la chute de l’empire, comme un cri de liberté, a commencé à pénétrer aussi en Italie vers 1820. Ce mouvement né de l’esprit d’indépendance et du besoin de relever l’idéal de la nature humaine avilie par le despotisme, cet ensemble de doctrines étranges, mélange d’aspirations religieuses, de ressouvenir du passé, de naïves et tendres rêveries qui venaient par-delà les monts, comme un souffle spiritualiste des races du Nord envahissant la civilisation relâchée des peuples du Midi, suscitèrent une école de novateurs ardens, parmi lesquels figurent Manzoni et Silvio Pellico. Appuyés sur ce principe, que les arts doivent être l’expression des émotions vraies et intimes de l’ame, excités par la traduction récente des chefs-d’œuvre de Goethe et de Schiller, des poèmes de Byron et des romans de Walter Scott, ces hommes distingués s’efforcèrent d’imprimer à la littérature de leur pays un caractère plus sérieux, plus chaste et plus logique, de rajeunir toutes les formes de la poésie et de l’imagination. La musique ne tarda pas à suivre l’impulsion