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LI.

La pluie et le vent d’automne hurlent et mugissent dans la nuit ; où peut s’être attardée ma pauvre, ma timide enfant ?

Je la vois appuyée à sa fenêtre, dans sa chambrette solitaire ; les yeux remplis de larmes, elle plonge ses regards dans la nuit profonde.

LII.

Le vent d’automne secoue les arbres, la nuit est humide et froide ; enveloppé d’un manteau gris, je traverse à cheval le bois.

Et tandis que je chevauche, des pensées me galopent l’esprit ; elles me portent léger et joyeux à la maison de ma bien-aimée.

Les chiens aboient, les valets paraissent avec des flambeaux ; je gravis l’escalier en faisant retentir mes éperons sonores.

Dans une chambre garnie de tapis et brillamment éclairée, au milieu d’une atmosphère tiède et parfumée, ma bien-aimée m’attend. — Je me précipite dans ses bras.

Le vent murmure dans les feuilles, le chêne chuchote dans ses rameaux : « Que veux-tu, fou cavalier, avec ton rêve insensé ? »

LIII.

Une étoile tombe de son étincelante demeure ; c’est l’étoile de l’amour que je vois tomber !

Il tombe des pommiers beaucoup de feuilles blanches ; les vents taquins les emportent et se jouent avec elles.

Le cygne chante dans l’étang, il s’approche et s’éloigne du rivage, et, toujours chantant plus bas, il plonge dans sa tombe liquide.

Tout alentour est calme et sombre ; feuilles et fleurs sont emportées ; l’étoile est triste dans sa chute, et le chant du cygne a cessé.

LIV.

Un rêve m’a transporté dans un château gigantesque, rempli de lumières et de vapeurs magiques, et où une foule bariolée se répandait à travers le dédale des appartemens. La troupe, blême, cherchait la porte de sortie en se tordant convulsivement les mains et en poussant des cris d’angoisse. Des dames et des chevaliers se tordaient dans la foule ; je me vis moi-même entraîné par la cohue.

Cependant, tout à coup je me trouvai seul, et je me demandai comment cette multitude avait pu s’évanouir aussi promptement. Et je me mis à marcher, me précipitant à travers les salles, qui s’embrouillaient étrangement. Mes pieds étaient de plomb, une angoisse mortelle m’étreignait le cœur ; je désespérai bientôt de trouver une issue. — J’arrivai enfin à la dernière porte ; j’allais la franchir… Dieu ! qui m’en défend le passage ?

C’était ma bien-aimée qui se tenait devant la porte, le chagrin sur les lèvres, le souci sur le front. Je dus reculer, elle me fit signe de la main ; je ne savais si c’était un avertissement ou un reproche. Pourtant, dans ses yeux brillait