Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/948

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des ministres responsables, les ministres étant faits et défaits par des majorités parlementaires, il en résulte que l’église est soumise à toutes les vicissitudes électorales, et que, sinon tout-à-fait ses doctrines, du moins ses tendances suivent toutes les évolutions des partis. En France, les changemens de dynastie, ou de gouvernement, ou de ministres, peuvent, dans les rapports de l’église et de l’état, influer sur le choix des hommes, mais non sur la fixité des doctrines. La consécration spirituelle ne venant pas de la même source que la nomination temporelle, les deux élémens se balancent l’un par l’autre, sans jamais s’absorber l’un dans l’autre. Il n’en est pas de même en Angleterre. Certainement il y aurait de l’exagération à dire que la religion y change avec les ministères, et qu’elle y est alternativement whig et tory ; mais qu’elle y devienne un instrument et une arme entre les mains des partis, et que ses principes même les plus fondamentaux y subissent l’influence des opinions politiques, c’est ce qui est incontestable ; c’est ce que lord John Russell a supérieurement démontré par l’exemple qu’il vient de donner.

Pourquoi, par exemple, est-il allé chercher le docteur Hampden pour l’élever à l’épiscopat ? L’église anglaise renfermait beaucoup d’autres hommes pieux et instruits qui appelaient aussi naturellement son choix ; malheureusement ceux-là n’avaient pas l’avantage d’avoir été censurés. Le grand mérite du docteur Hampden, c’était d’être suspect. On a dit justement que, s’il avait été plus orthodoxe, on ne serait pas allé le prendre ; l’alarme qu’il inspirait à la moitié de son église était, aux yeux du premier ministre whig, son premier titre. La balance semblait pencher du côté des doctrines d’autorité, lord John Russell jette dans l’autre plateau un rationaliste pour rétablir l’équilibre ; c’est une affaire de poids et de mesures. Le docteur Hampden avait été censuré par une majorité principalement composée de tories ; le chef du parti whig, revenu sur l’eau, n’a rien de plus pressé que de le nommer évêque par représailles. Chacun son tour. Mais, au milieu de ces luttes, que devient l’église elle-même ? Comme elle n’est point bâtie sur la pierre, comme elle n’est point fixée au sol par une ancre inébranlable, elle flotte à la merci de tous les courans, et, tiraillée dans tous les sens, elle craque, se rompt et se disperse en lambeaux.

A quoi se retiendrait-elle ? A un décret d’université ? Mais qu’est-ce que l’université d’Oxford ? Une corporation composée d’ecclésiastiques et de laïques, de docteurs de toute nature, les uns très chrétiens, d’autres qui le sont fort peu, qui le sont le moins possible. C’est aussi un corps soumis à toutes les variations de la température politique, qui, il y a vingt ans, ostracisait sir Robert Peel votant pour les catholiques, et aujourd’hui adopte M. Gladstone votant pour les juifs. La belle autorité dogmatique qu’une cour qui serait présidée par sa grâce le feld-maréchal duc de Wellington, chancelier de l’université, et