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donc un moyen assuré de restituer la popularité du jaune et noir : c’était de rompre avec les camarillas, avec le passé, de confier la bannière nationale à de vrais Autrichiens, qui ne fussent pas des chambellans. Voilà comment tout vient d’être renouvelé dans l’antique empire, la couronne et son conseil.

Le cabinet dont l’avènement a marqué les derniers jours du règne maintenant clos par une abdication solennelle, le cabinet du prince Schwarzenberg, arrive aux affaires sans avoir la responsabilité des vicissitudes antérieures. Si l’on n’a pas toujours traité loyalement avec les Magyars, si l’on a jadis montré trop de faiblesse, soit en face des ultras de la rue, soit en face des ultras de chancellerie, il est débarrassé du poids de ces fautes ; il peut agir librement, selon le sens de son programme, qui est la plus pure formule d’un gouvernement constitutionnel. Le prince Félix de Schwarzenberg est par son caractère à la hauteur de ses engagemens. Ministre à Naples, lorsque les relations amicales de la cour d’Autriche avec le roi Ferdinand furent interrompues, il s’était aussitôt retrouvé général ; il avait pris avec succès le commandement d’une division en face de l’armée piémontaise. Son expérience diplomatique, son dévouement au principe de l’unité autrichienne ; l’avaient désigné comme le négociateur le plus capable d’avoir une part efficace dans les conférences qui doivent définitivement s’ouvrir à Bruxelles. Ce sont les mêmes titres qui l’ont appelé au ministère des affaires étrangères et à la présidence du conseil, quand on s’est enfin décidé à donner un successeur au vieux M. de Wessenberg. Les principes officiellement annoncés par M. de Wessenberg n’étaient pas moins libéraux que ceux du nouveau cabinet ; c’était seulement la vigueur qui faisait défaut pour les soutenir, au besoin, contre les influences inconstitutionnelles justement signalées dans le dernier programme. Le prince Schwarzenberg et son collègue, le comte Stadion, ont commencé par exiger la retraite des conseillers intimes qui leur barraient l’accès du trône, de ces noms inconnus qui pèsent quelquefois si lourdement sur les destinées des états, MM. Weiss, Erb, Pipitz, et, dit-on aussi, Hurter, qui aurait joué là le rôle du professeur Leo à Potsdam. Le comte Stadion, ministre de l’intérieur, a commencé sa carrière sous le prince de Metternich en rompant dès-lors avec les traditions administratives qu’il semblait obligé de suivre. Successivement appelé dans ce temps-là au gouvernement de la province de Trieste et à celui de la province de Gallicie, il sut se faire partout une réputation méritée d’homme libéral au temps où il y avait à risquer de vouloir l’être. Le ministre du commerce et des travaux publics, M. Bruck, est connu dans toute l’Allemagne par de grandes entreprises comme négociant et comme directeur d’importantes compagnies. D’abord député de Trieste à Francfort, il fut bientôt chargé de représenter l’Autriche auprès du pouvoir central, et, en toutes rencontres, il a fait preuve d’aptitude pratique. Le ministre de l’agriculture, M. de Thinnfeld, est de la Styrie ; le docteur Hellfert, ministre de l’instruction publique, appartient à la députation de Bohême. Toutes les provinces figurent ainsi, par leurs hommes les plus distingués, dans un cabinet où l’influence de la capitale a perdu la part trop exclusive qu’elle s’arrogeait dans les autres.

Ce cabinet une fois constitué, une fois appuyé contre la Hongrie toujours en armes sur l’épée de Windischgraetz et sur celle de Jellachich, l’empereur Ferdinand et son frère François-Charles, l’époux de l’archiduchesse Sophie, ont renoncé à la couronne d’Autriche en faveur d’un jeune homme de dix-huit ans, qui n’avait pas du moins à répondre de leurs vieux erremens. L’abdication des