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descend à 402,691,852 fr., et l’impôt sur les terres ne fournit plus que 25 millions. Bref, l’infériorité de la culture fourragère étant de 25 pour 100, l’infériorité de la récolte et l’abaissement de l’impôt sont précisément de 25 pour 100, et, si la dépréciation du bétail est plus considérable encore, c’est parce qu’en général les prairies, moins soignées dans le midi que dans le nord, y sont moins productives[1].

Une proposition soumise à l’assemblée nationale par M. Dezeimeris a pour but d’instituer des primes au profit des cultivateurs qui accorderaient la plus large place aux cultures fourragères, relativement à l’étendue de leurs propriétés. Je ne crois pas que beaucoup de paysans ignorent la vertu de l’engrais, et il me semble que, s’ils ne poussent pas à la production des fourrages, c’est que l’argent leur manque pour entretenir le bétail consommateur. Qu’on y réfléchisse, et on reconnaîtra que l’établissement des prairies communales est le seul moyen de corriger les abus du morcellement. En dix ans, 2 ou 3 millions d’hectares, défrichés par plus de 30,000 communes, pourraient être conduits à l’état de valeur productive. Que les récoltes soient transformées en viande dans les étables de chaque commune ou dans celles des particuliers, il sera créé en fumier, à raison d’une tête de gros bétail par hectare, environ 200 millions de quintaux, équivalant à un surcroît de 25 millions d’hectolitres de froment : c’est une valeur de 375 millions de francs, et de la nourriture assurée pour 8 millions d’hommes. 144 millions de kilogrammes de viande seraient livrés annuellement à la circulation, et de plus, des pailles, du laitage, des cuirs, des laines, des graisses à proportion ; des bénéfices considérables pour le transport de toutes ces marchandises ; un immense mouvement commercial dans les comptoirs, la baisse des matières alimentaires au profit des ateliers. Ces chiffres sont ceux de la théorie, et je sais que, dans les calculs de l’agronomie, il est toujours prudent de rabattre[2]. Quels que fussent néanmoins les mécomptes de la pratique, il resterait encore un bénéfice considérable.

Il y a trente-trois ans, au lendemain d’une révolution, il se produisit un projet analogue au nôtre dans quelques-uns de ses détails économiques,

  1. J’avais en vue cette démonstration, lorsque j’ai dit, dans le précédent article, que la Statistique agricole publiée en 1840 par le gouvernement méritait plus de confiance qu’on ne lui en accorde dans le monde scientifique. En découvrant, au milieu d’un déluge de chiffres, cette parfaite coïncidence de tous les résultats, je suis resté convaincu qu’elle ne peut pas être l’œuvre du hasard. Il n’est pas permis non plus de supposer qu’on a tourmenté les chiffres pour mettre d’accord les faits et les principes. Il eût fallu, pour cela, se livrer à des calculs interminables, et, si l’on eût pris tant de peine, ce n’eût pas été probablement pour établir et divulguer des résultats vraiment déplorables, qui devaient fournir des armes aux adversaires du gouvernement monarchique.
  2. Il y aurait à déduire d’abord la faible valeur donnée par les biens communaux dans leur état actuel.