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des procédés daguerriens. M. Donné a réalisé une autre application de la photographie à l’histoire naturelle qui est aussi curieuse qu’utile. Il a daguerréotypé l’image amplifiée des objets microscopiques. L’image formée au microscope solaire par les globules du sang, par exemple, est reçue sur une plaque iodurée et y laisse son empreinte. Les épreuves que l’on obtient ainsi ont servi de modèles aux dessins de l’atlas microscopique de M. Donné.

Est-il nécessaire d’ajouter que les opérations photographiques peuvent se combiner non moins utilement avec les travaux de la cosmographie, de l’archéologie, de l’architecture ? « Pour copier les millions et millions d’hiéroglyphes qui couvrent, même à l’extérieur, les grands monumens de Thèbes, de Memphis, de Karnak, a dit M. Arago dans un rapport présenté à la chambre des députés, il faudrait des vingtaines d’années et des légions de dessinateurs. Avec le daguerréotype, un seul homme pourrait mener à bonne fin cet immense travail. Munissez l’institut d’Égypte de deux ou trois appareils de M. Daguerre, et, sur plusieurs des grandes planches de l’ouvrage célèbre, fruit de notre immortelle expédition, de vastes étendues d’hiéroglyphes réels iront remplacer des hiéroglyphes fictifs ou de pure convention, et les dessins surpasseront partout en fidélité, en couleur locale, les œuvres des plus habiles peintres, et les images photographiques, étant soumises dans leur formation aux règles de la géométrie, permettront, à l’aide d’un petit nombre de données, de remonter aux dimensions exactes des parties les plus élevées, les plus inaccessibles des édifices. »

Auxiliaire puissant de la physique, de l’histoire naturelle et des arts du dessin, la photographie réunit, on le voit, des titres suffisans pour figurer parmi les plus importantes découvertes des temps modernes. Quelques amateurs passionnés ne se contentent pas cependant pour elle d’une si belle part, et prétendent lui assigner dans la sphère de l’art un rang non moins élevé que dans le domaine de la science. Il serait superflu de discuter cette erreur, et nous ne la signalerions même pas, si elle ne pouvait avoir pour conséquence de donner aux essais qui se poursuivent sur le terrain de la photographie une direction aussi fausse que puérile. C’est, répétons-le en finissant, dans une alliance de plus en plus étroite avec les sciences physiques et naturelles qu’est tout l’avenir de l’invention de Daguerre ; c’est aussi dans cette voie déjà si féconde que la photographie, il faut l’espérer, continuera de s’affermir. Grace à elle, si l’art moderne ne peut s’enorgueillir d’une nouvelle conquête, l’histoire des découvertes utiles aura du moins compté une page de plus.


L. FIGUIER.