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de Naples à Milan, je cherchai plus d’une fois à appeler sur eux l’intérêt du gouvernement provisoire, et je me heurtai trop souvent contre une mauvaise volonté qui ne se déguisait guère. Il m’arriva, par exemple, de présenter mes volontaires napolitains comme l’avant-garde d’une armée de cent mille hommes, composée de toute la jeunesse italienne, qui n’hésiterait pas à accourir au moindre appel. — Dieu nous garde, s’écriait-on, d’un pareil secours ! — Je jugeai inutile de prolonger la discussion. Pourtant ce sont des volontaires napolitains qui ont concouru à la défense de Trévise et de Vicence, et aujourd’hui encore Venise renferme dans ses murs attaqués des défenseurs qui ont quitté pour la secourir les beaux rivages de Sorrente et les gorges sauvages de la Calabre.

Quand j’arrivai à Milan, les Autrichiens n’avaient quitté la ville que depuis huit jours, et les barricades encombraient encore les rues. C’était la première fois que je voyais les couleurs italiennes flotter sur les murs de la capitale lombarde. J’éprouvais une joie profonde et sans mélange. Tout m’annonçait que l’enthousiasme politique n’était pas refroidi, mais tout aussi ne tarda pas à me prouver que la situation du pays n’était pas comprise par ceux à qui était échue la difficile mission de la dominer et de la diriger.

Si je jetais les yeux sur le théâtre de la guerre, je ne me sentais rassurée ni par les mouvemens de l’armée piémontaise, ni par la direction donnée aux généreux efforts de nos volontaires. Charles-Albert, à la tête de plus de cinquante mille hommes de belles et de bonnes troupes, marchait, il est vrai, sur les places fortes encore occupées par les Autrichiens, tandis qu’un appel aux armes parcourait l’Italie, et forçait les princes à envoyer leurs contingens en Lombardie. Un moment (ce fut pendant les quelques jours qui précédèrent la capitulation de Durando et le rappel des troupes napolitaines), le chiffre des troupes régulières italiennes marchant contre l’Autriche s’éleva presque à cent mille hommes. En même temps, le général Perron organisait le contingent lombard, qui devait suffire, et au-delà, à réparer les pertes de cette armée. Personne pourtant ne suivait sans inquiétude la marche de la guerre. Entouré de son vieil état-major de comtes et de marquis piémontais, Charles-Albert se plaisait à tracer des plans stratégiques qui eussent peut-être fait honneur à Frédéric-le-Grand ou à Charles XII, mais qui n’avaient plus de sens depuis la révolution opérée par Napoléon dans l’art de la guerre. Les troupes piémontaises s’avançaient à pas lents vers Mantoue et Vérone, perdant un temps précieux à de longs travaux de siège, tels que chemins souterrains, redoutes, etc., qui ne devaient servir à rien, et chaque jour cependant de nombreux renforts arrivaient d’Allemagne. L’enthousiasme des soldats piémontais se refroidissait d’ailleurs, il faut bien l’avouer, devant les souffrances qui