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étaient, pour la plupart, des jeunes gens de bonne famille, accoutumés à une vie douce et même efféminée, n’ayant jamais vu le feu, ni supporté les fatigues des camps. Ils n’en étaient que plus impatiens et plus joyeux de se trouver en face de l’ennemi. Le bateau avait gagné le large ; les volontaires apercevaient à quelque distance un point lumineux dont le reflet colorait en rouge une partie du ciel ; ils comprenaient que c’était là Castel-Nuovo en feu, et ils eussent volontiers gagné la terre à la nage. Une heure, deux heures s’écoulent, et Castel-Nuovo ne semble pas se rapprocher. Un des volontaires qui avait servi jadis dans la marine autrichienne, soupçonnant quelque ruse, descend alors à la machine ; il trouve les robinets ouverts, de façon à ce que la vapeur s’échappât au lieu de pousser la roue. Il remonte, et le machiniste, interrogé sur un fait aussi étrange, répond en tremblant que tel est l’ordre donné par le capitaine du bateau. Le commandant du détachement des volontaires est alors averti, le capitaine du bateau est arrêté, le machiniste reçoit l’ordre de remettre la machine en mouvement ; mais il était trop tard. Lorsqu’au point du jour les volontaires purent atteindre le rivage[1], la dernière maison de Castel-Nuovo achevait de brûler, et la dernière victime des Autrichiens rendait l’ame. Le capitaine du bateau fut remis entre les mains du général AIlemandi et des magistrats civils de Riva pour qu’on instruisît son procès, précaution fort inutile, car, deux jours plus tard, il fut rendu à la liberté, et put remonter sur son bateau, qu’il continua de commander.

Le général Allemandi ne tarda pas à être rappelé par le gouvernement de Milan, qui enjoignit aux autorités de Bergame de lui donner une escorte jusqu’à Milan. Le gouvernement central lui destinait une escorte d’honneur ; mais le bruit de la trahison du général était si généralement accrédité, que les autorités de Bergame pensèrent qu’il s’agissait d’une escorte de sûreté. Elles le placèrent donc au milieu d’un escadron chargé de le conduire jusqu’à Milan, où le général arriva un matin dans le triste appareil dun prisonnier d’état. Le gouvernement lombard se hâta de lui accorder réparation pleine et entière. Aucune enquête publique n’eut lieu, et on déclara officiellement que le général Allemandi était un excellent patriote. Le colonel Jacques Durando, auteur d’un ouvrage sur l’Italie et frère du commandant de l’armée romaine, fut promu au grade de général, et remplaça Allemandi dans le commandement des volontaires.

Je n’ai pas à raconter l’histoire des combats et des fatigues qui éprouvèrent la patience des légions confiées au général Jacques Durando. Avant toutefois d’aborder le récit des événemens qui se passèrent au cœur de la Lombardie, je me bornerai à indiquer les principales positions

  1. Il suffit ordinairement de quarante à cinquante minutes pour faire le trajet de Riva à Castel-Nuovo.