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slaves se mirent aussi en insurrection. La révolution du 16 mars n’avait fait que hâter l’explosion de leurs griefs : les Slaves tenaient aux Magyars tous les mêmes discours que ceux-ci adressaient depuis vingt ans au gouvernement autrichien, et, chose toujours singulière, malgré les exemples nombreux qui devraient nous familiariser avec ces reviremens subits, le nouveau gouvernement hongrois parlait comme aurait pu le faire le gouvernement impérial. « La Croatie, » disait le ministre Kossuth (séance du 11 juillet), « la Croatie est à l’état de révolte ! Les Croates ont pensé qu’à la faveur de la crise révolutionnaire de l’Europe ils pourraient impunément se mettre en rébellion ouverte contre la monarchie hongroise. Le nouveau ban n’a pas comparu à Pesth, malgré l’ordre qui lui a été donné. » Et M Kossuth, se prenant d’un singulier amour pour la majesté du roi de Hongrie, terminait son discours par ces fières paroles, que n’aurait point désavouées un loyal chancelier du royaume : « Nous ne reconnaîtrons jamais que le ban Jellachich soit sur la même ligne que le roi de Hongrie ; le roi de Hongrie peut pardonner, le devoir de Jellachich est d’obéir. » Kossuth espérait que. dans la confusion où se trouvaient toutes choses à Vienne, après avoir contraint l’empereur à reconnaître l’indépendance et la séparation de la Hongrie, on pourrait se servir de son nom et du prestige attaché à son autorité pour contraindre les sentimens de la Croatie.

Cependant une nouvelle révolution éclatant à Vienne forçait l’empereur à se réfugier à Inspruck. Les premiers ministres viennois sortis de la crise révolutionnaire n’étaient pas loin de s’entendre avec leurs confrères de Pesth. On revint sur ces accusations de complot panslaviste dont j’ai parlé tout à l’heure ; on représenta Jellachich comme un agent payé par la Russie. Il y avait quelques prétextes pour ces accusations Jellachich semblait mettre de l’hésitation à se rendre à l’appel de l’empereur, qui lui avait donné l’ordre de venir rendre compte de sa conduite à Inspruck. Il avait été installé à Agram dans sa nouvelle dignité, avec un éclat et une pompe inusités, au milieu non-seulement des députés de la Croatie, mais aussi de ceux de la Serbie et d’un grand nombre d’envoyés des comitats slaves du nord. L’évêque de Carlovitz, du rite grec, avait reçu son serment. A voir toutes ces insurrections qui faisaient tomber pièce à pièce l’édifice de la monarchie autrichienne, on pouvait se demander si c’était une nouvelle révolte qui éclatait à l’orient de l’empire, ou un secours inespéré contre la révolte.

Après quelques retards cependant, le ban se rendit à Inspruck dans les premiers jours du mois de juillet. Son attitude et son langage ne purent laisser aucun doute sur ses sentimens ; « il était Croate, avant tout dévoué à son pays, mais sujet fidèle de l’empereur, et résolu à le lui témoigner. Si les régimens croates tout entiers ne s’avançaient pas