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ou scribes des comitats, et parvint à rendre un compte assez exact et complet des séances. Ce journal, reproduit par la lithographie, était envoyé à tous les comitats. Le gouvernement autrichien le fit saisir. Le mode d’impression par la lithographie, disait-il, est, aussi bien que les produits de la presse, soumis à la censure. Kossuth et ses patrons ne furent point découragés ; on augmenta le nombre des écrivains, et le journal, copié à la main, continua à paraître. — Après la session, Kossuth ne suspendit point son journal ; au lieu des discours de la diète, il publia les délibérations des comitats. Dans ces assemblées particulières, dans ces diètes de province, moins exposées au contrôle de l’autorité, se tenaient alors les discours les plus véhémens ; on n’y craignait pas de pousser à la séparation de l’Autriche, de parler même de république. Kossuth fut arrêté et mis en prison pour la reproduction d’un de ces discours. Il y resta deux ou trois ans sans qu’on osât lui faire son procès. Il recouvra sa liberté à l’occasion d’une de ces amnisties que le gouvernement autrichien accordait volontiers, au moment de la clôture des diètes, pour terminer les vieux différends. Kossuth entra bientôt dans la chambre des états ; il y apportait un talent qu’on n’avait encore éprouvé qu’à des métiers inférieurs, et une vive hostilité contre le gouvernement. L’opposition cherchait à cette époque et réussissait dans une certaine mesure à s’entendre, par le moyen du palatin, avec la chancellerie autrichienne. On le tint assez à l’écart : la chambre des magnats le redoutait ; cependant son talent finit par percer. Il compta, et au premier rang, parmi les chefs de l’opposition dans la seconde chambre. Grace à sa lente élévation, il n’était point usé comme Széchény, comme Bathiany, comme Deak lui-même, lorsqu’arriva la révolution de mars. Il a saisi résolûment le pouvoir ; et y a déployé, outre une éloquence dont ses compatriotes ne parlent, je le répète, qu’avec admiration, une énergie et une activité qui auraient mérité sans doute de rencontrer plus tôt un meilleur emploi. Kossuth ne ressemble point aux libéraux hongrois, toujours animés de quelques sentimens chevaleresques et un peu aristocratiques, comme nous avons été habitués à les rencontrer ; c’est un radical de la nouvelle école révolutionnaire, prêt à tout, qui cherchera à se débarrasser de la noblesse quand il se sera débarrassé de l’Autriche. Déjà il a signifié à la chambre des magnats que son existence n’était que provisoire et tolérée, qu’elle serait réformée par l’assemblée souveraine, et réduite sans doute au rôle d’une sorte de conseil d’état. C’est lui qui a arrêté le mouvement libéral de la Hongrie pour en faire un mouvement révolutionnaire et démagogique ; c’est lui qui, pour réaliser des projets d’égalité universelle, plus chimériques en Hongrie que partout ailleurs, n’a pas craint de bouleverser tout l’état politique et social de son pays. Nous connaissons cette race d’hommes, et nous n’avons pas besoin