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qu’on nous les apprenne longuement. Ces ressentimens, inspirés peut-être, mais non pas justifiés par les poursuites et les condamnations qu’il a subies, sont couverts, chez Kossuth, par un patriotisme ardent et exclusif dont rien n’autorise à suspecter la sincérité. Sous ce dernier rapport, au moins, il représente bien les qualités et les défauts du magyarisme, et il puise là sans doute une partie de l’ascendant merveilleux qu’il exerce en ce moment sur ses compatriotes. Kossuth était donc bien déterminé, dès cette époque, à rompre avec le gouvernement autrichien ; son caractère, non moins que les événemens, l’y poussait. En parlant de régimens à envoyer en Italie, il ne cherchait qu’à profiter du nom et de la sanction de l’empereur pour lever des troupes et des contributions qui resteraient entre ses mains, prêtes à toutes les éventualités, y compris la guerre contre l’Autriche. Il trahit même sa pensée intime, lorsque quelques patriotes, qui n’étaient pas dans son secret, demandèrent à grands cris qu’on rappelât les régimens hongrois qui se trouvaient alors dans la Lombardie. « Mais songez donc, s’écria Kossuth, que vous allez rappeler plus de Croates que de Magyars. Est-ce là ce que vous voulez ? » Les mesures proposées par l’énergique tribun furent complétées par un décret autorisant l’émission de 200 millions de papier-monnaie


IV

Ici commence, à vrai dire, l’opposition et la lutte ouverte entre le gouvernement à Vienne et le ministère hongrois. Marquons donc cette date, car les dates font beaucoup entre partis qui s’accusent mutuellement de trahison. La période dont nous retraçons les principaux faits peut se diviser ainsi : 1° du 16 mars, date de la révolution, jusqu’au 5 juillet, époque de l’ouverture de la diète, le gouvernement autrichien, brisé coup sur coup dans sa propre capitale, refoulé dans la haute Italie, fugitif à Inspruck, lâche les rênes et se livre sans résistance à toutes les exigences hongroises. 2° En juillet et août, la résistance s’organise à Vienne ; on encourage ou l’on tolère du moins l’opposition que rencontrent les mesures révolutionnaires du ministère hongrois. Les deux gouvernemens se ménagent encore de paroles, mais tous deux voient avec certitude que la lutte est inévitable ; la lutte est retardée cependant jusqu’aux premiers jours de septembre. 3° A dater de cette époque, les résolutions hostiles se précipitent de part et d’autre ; les manifestes appellent et annoncent les armes. Suivons les progrès de cette marche fatale.

Dans la première semaine de septembre, Jellachich prend le commandement de toutes les troupes impériales réunies dans les trois comitats de Croatie et de Slavonie. Le maréchal-de-camp autrichien Hrabowsky,