Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le comte Bathyani, président de l’ancien ministère, cherchait alors à former une administration dont auraient été exclus Kossuth et le ministre de l’intérieur Szémeré. Ils devaient être remplacés par des membres de l’ancienne opposition libérale, aujourd’hui considérés comme des conservateurs. Deak restait à la justice, le brillant poète et orateur Eotvös, aux cultes ; le comte Alexandre Erdödy représentait la chambre des magnats, et devait rassurer les partisans de l’ordre. Ce ministère formé, ou au moment de se former, fut dissous par la réaction qu’amenèrent et l’entrée en campagne de Jellachich et le nouveau refus que la diète essuya à Vienne ; ce dernier était plus grave que le premier, car il venait de l’assemblée nationale autrichienne. Le fait est important et il faut le mettre en lumière. Le 17 septembre, la diète avait décrété qu’une députation de vingt-cinq membres se rendrait à Vienne pour se mettre en communication directe avec l’assemblée nationale. On devait dénoncer la trahison du gouvernement central et demander directement aux représentans de l’empire des secours contre les Croates. On retrouvait dans cette députation tous les vieux noms qui avaient figuré autrefois dans les conspirations et les procès politiques ; à leur tête était Vessélény, le vieil agitateur de la Hongrie, aveugle, fatigué et courbé par l’âge ; le député Balogh, qui se retrouvait là dans ses premières habitudes d’émeute et de sédition : il harangua le rassemblement qui s’était porté au-devant des Hongrois. Cependant l’assemblée viennoise délibérait, non pas sur la réponse qu’elle aurait à faire à la députation, mais sur la question préalable : la députation serait-elle admise, et pourrait-elle faire connaître l’objet de sa démarche ? 186 voix se prononcèrent pour la négative, et 108 seulement pour l’admission. La diète hongroise sentit cet outrage, dont la portée politique ne peut échapper à personne et qu’il ne faudra pas oublier lorsqu’on voudra hasarder des prédictions sur l’issue de la lutte qui s’engage. D’ailleurs, les passions politiques s’exaspérèrent de ce refus, et ce fut, comme je viens de le dire, le parti démagogique qui en profita. La diète, irritée, éperdue de colère, se précipita de nouveau dans les bras de Kossuth ; des pouvoirs illimités lui furent confiés ; il partagea sa dictature avec son ancien collègue Szémeré, et s’adjoignit six députés radicaux pour gouverner révolutionnairement avec lui. Chose remarquable, le mot de république ne fut cependant prononcé par personne ; on convint au contraire d’entreprendre tout au nom du roi, en se passant, bien entendu, de la sanction royale.

Le nouveau gouvernement prit aussitôt des mesures énergiques pour la défense de la capitale : on réunit tout ce qui se trouvait de troupes aux environs, de hussards pour la garde du comitat ; les gardes nationales se présentèrent de toutes parts. On mit à leur tête les deux