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magnifiques à ceux qui ont organisé la burlesque échauffourée de Risquons-tout comme pendant du siége d’Anvers, et préparé le sauvage guet-apens de Chambéry, à défaut de l’expédition d’Ancône. Les hommes nouveaux, s’ils ne veulent point prêter à rire, doivent se garder de semblables inadvertances. On dirait qu’ils ne peuvent se faire à leur nouvelle situation, qu’ils oublient qu’ils sont le pouvoir et qu’ils ne sont plus l’opposition. Par un coup de la Providence qui est devenu leur arrêt de condamnation, ces mêmes questions de Belgique, de Pologne, d’Italie, ne se sont-elles pas ranimées brûlantes à l’avénement de la république ? Qui les a empêchés de conquérir la Belgique, de reconstruire la Pologne, d’émanciper l’Italie ? La Belgique n’est-elle plus à nos portes ? la Pologne est-elle plus loin de la France en 1848 qu’en 1830 ? Les cimes des Alpes sont-elles devenues plus élevées ? Non. Les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui ont seulement un peu plus de bon sens qu’ils n’en avaient jadis. Ils ne se croient pas liés par leurs folles paroles d’autrefois. Ils ont pris sur eux, sans trop de remords, de nouer de pacifiques relations avec la Russie, avec la Prusse, avec l’Autriche. Grace au concours de l’Angleterre, ils espèrent fonder paisiblement un royaume de Lombardie, comme autrefois il a été fondé un royaume de Belgique, à coups de protocoles ; ils ont soin d’avertir, toujours dans le Moniteur, qu’ils ne prétendent pas cependant imposer leur volonté. Ils ont mille fois raison, et nous les en louons. La bonne politique n’appartient exclusivement à personne, et la république a raison de la prendre à la monarchie, si elle peut. Il n’y a pas de honte. Ce qui est honteux, c’est d’insulter ceux que l’on imite. Pourquoi maudire ? Est-ce de peur de paraître converti ?

Nous achèverons de dire prochainement quelles ont été, jusqu’en 1848, les relations de la France avec les trois cours du Nord, et nous étudierons la nature des rapports particuliers entretenus avec l’Angleterre.


O. d’Haussonville.