Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rappeler l’expédition en route pour Catane. M. Baudin donna communication de sa démarche au commandant de la flotte anglaise, l’engageant à s’y associer. L’amiral Parker envoya son adhésion en témoignant d’un égal désir de mettre fin aux calamités de la guerre. Trois jours après, le 11 septembre, par l’entremise des capitaines Nonay de l’Hercule et Robb du Gladiator, une convention provisoire était signée, et le général Filangieri suspendait les hostilités jusqu’à l’arrivée de nouvelles instructions. C’est cette convention que la corvette Sidon apportait à Palerme pour la soumettre au parlement sicilien.

L’armistice n’a pas été imposé, si l’on veut, au gouvernement napolitain, ainsi que le ministre de l’intérieur de Sicile l’a affirmé dans la communication qu’il a faite au parlement ; mais il a été réclamé d’une manière très pressante, et de façon à n’admettre pas de refus. L’énergie bien connue du commandant de notre escadre permet de croire que, dans le cas où les Napolitains auraient voulu passer outre, il eût appuyé sa requête d’argumens très persuasifs ; mais la précaution était superflue : le gouvernement napolitain s’est exécuté très promptement, car la nouvelle des démarches de l’amiral n’était pas encore arrivée au commandant de l’Hercule, que déjà le général Filangieri avait reçu ordre de rebrousser chemin, et la convention du 11 septembre était en cours d’exécution avant d’être signée. Il convient de rendre justice à la prudence aussi bien qu’à la fermeté avec laquelle M. l’amiral Baudin a abordé et conduit cette affaire. Il est, nous le savons, chez nous, une école qui, prétendant appliquer aux questions étrangères le même sans-façon arbitraire qui forme son programme politique à l’intérieur, semble ne pas se douter des difficultés que présente dans presque tous les cas une intervention, et particulièrement combien la question était délicate pour M. Baudin à l’endroit de la Sicile. A leurs yeux, le droit de s’immiscer dans les différends de peuple à peuple et de nation à souverain ne souffre pas de contestation, et, quant à l’emploi des moyens, leur diplomatie, renouvelée de la grande époque de nos pères, ne connaît qu’un procédé fort élémentaire. A la façon de Scipion, elle porte toujours la guerre dans un coin de sa toge. C’est expéditif, mais encore faudrait-il se demander ce qui suivra. La conduite de M. l’amiral Baudin n’a pas échappé à la censure de ces grands politiques, car elle est entachée à leurs yeux de cette hypocrisie habituelle de la diplomatie. Il faudrait pourtant remarquer que le commandant de notre escadre, avec le plus vif désir et l’intention de sauver la Sicile, ne pouvait, sans manquer à la neutralité et au droit des nations, justifier une intervention, si l’on peut s’exprimer ainsi, préventive. Nul traité n’a encore reconnu l’indépendance de la Sicile ; en droit, sinon en fait, cette île est encore une province du royaume de Naples. C’est pourquoi M. de Rayneval, chargé d’affaires de la république, au moment du départ de l’expédition, le 29 août, n’avait pu adresser au gouvernement napolitain que des remontrances, des avis, et appeler son attention sur les conséquences probables de la démarche qu’il tentait. Il avait dû ne s’appuyer que sur des motifs de pure bienveillance et invoquer les liens de confraternité qui unissaient les deux gouvernemens. De son côté, le ministre des affaires étrangères, prince Cariati, était fondé à répondre que le gouvernement napolitain ne reconnaissait à personne le droit de s’immiscer dans l’administration intérieure de ses états. Pour que M. l’amiral Baudin, de son chef et sous sa seule responsabilité, pût motiver vis-à-vis de Naples et justifier aux yeux de son