Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement une détermination semblable à celle qu’il a prise, il fallait qu’il s’appuyât sur un droit supérieur aux traités, sur le droit de l’humanité, et malheureusement ce droit ne pouvait être invoqué qu’après que l’expédition napolitaine aurait eu un commencement d’exécution. A moins d’un blocus déclaré, comme nous l’avons déjà dit, il était impossible d’empêcher une escadre napolitaine d’embarquer des troupes et de se diriger sur un point quelconque du littoral. Les Napolitains expliquaient d’ailleurs ce mouvement par la nécessité de ravitailler Reggio et la garnison de la citadelle de Messine. Enfin il fallait, en cette occasion, forcer la coopération de l’Angleterre par des motifs que cette puissance n’eût aucun prétexte de récuser, car c’est un fait avéré que la mauvaise volonté marquée par l’Angleterre dans cette affaire de Sicile, sur laquelle l’opposition, par l’organe de lord Stanley, et une grande partie de l’opinion publique, se sont prononcées avec une certaine violence.

Le droit de nos agens de la sorte établi, dans quelles limites l’ont-ils exercé, et dans quelle situation les puissances médiatrices et les parties intéressées se trouvent-elles placées pour la conclusion d’un arrangement définitif ?

L’armistice signifié au parlement sicilien, l’observation en devait être garantie par les deux escadres jusqu’au moment où les gouvernemens de France et d’Angleterre se seraient entendus avec celui de Naples sur la médiation. L’amiral Baudin a donc échelonné les bâtimens français sur les côtes, et particulièrement vers la partie orientale de l’île. Les ordres les plus positifs étaient donnés au contre-amiral Tréhouart et aux autres commandans français pour qu’ils veillassent à ce que la suspension des hostilités fût également respectée par les deux parties belligérantes. Ils avaient ordre de faire entendre aux Siciliens que la rupture du statu quo était à leurs risques et périls et qu’elle aurait replacé les choses dans l’état où elles se trouvaient après la prise de Messine ; mais les Siciliens n’ont eu garde d’enfreindre la convention du 11 septembre. Le gouvernement de Palerme, en l’acceptant, a déclaré à l’amiral Tréhouart que cette acceptation ne pouvait être soumise à aucune autre condition que celle de la suspension pure et simple des hostilités, et qu’elle ne préjugeait rien sur la question d’indépendance et de séparation absolue votée par le peuple sicilien assemblé. Dans son langage officiel, il a continué à se prononcer d’une façon non moins décidée, et il a déclaré inacceptable tout arrangement qui remettrait directement ou indirectement la dynastie de Bourbon en possession de la Sicile. Ces déclarations à l’adresse de la foule ne doivent pas néanmoins donner le change sur les dispositions réelles des chefs du gouvernement, qui comprennent très bien qu’en remettant leur salut entre les mains de la France et de l’Angleterre, et en acceptant l’arbitrage de ces deux puissances, ils ne peuvent prétendre sérieusement à mettre toutes les concessions du côté de Naples. La question, nous n’hésitons pas à le reconnaître, est rendue pour eux extrêmement difficile, par suite de l’irritation que les événemens accomplis depuis un an et les récens malheurs de Messine ont excitée dans le peuple. Placés en face d’une multitude passionnée, il leur faudra biaiser, prendre des attermoiemens, et laisser au temps le soin d’assoupir ce feu, toujours plus violent que durable chez les peuples méridionaux. Déjà même, en ce moment, la population éclairée des villes et du littoral commence à comprendre la nécessité d’une transaction. Il n’en est pas de même des montagnards que le gouvernement a, dans les premiers